Senna Sempre : Ayrton et Nigel Mansell

Publié le par Masta

Senna Sempre : Ayrton et Nigel Mansell

Alain Prost ne s'en est jamais caché : il ne rivalisait pas en vitesse pure et dure avec Senna. Le Brésilien prenait tous les risques et savait repousser les limites, là où Prost, plus cartésien, n'a jamais voulu tenter le diable. Cela ne l'a pas empêché d'être l'auteur de splendides remontées, notamment celle de Kyalami en 1982 après une crevaison – qui donna par la suite l'idée des ravitaillements à Brabham – et celle de Mexico en 1990 après des qualifications manquées mais calculées pour la course. Ou comment mieux souligner la philosophie du Professeur.

Les années 80 ne manquaient pourtant pas de pilotes avec du cran, et la plupart se sont retrouvés chez Williams : Alan Jones, Keke Rosberg et Nigel Mansell. Ils n'étaient jamais les derniers pour électriser les foules et Senna n'était que trop ravi de disposer d'un rival capable de le défier sur ce terrain avec Mansell. Le Britannique n'a jamais été le plus fin ou le plus réfléchi des pilotes – tout l'inverse de Prost – mais sa bravoure n'est plus à présenter et le Brésilien en a eu la démonstration plus d'une fois.

Mansell a mis du temps à rassembler toutes les pièces de son puzzle, si bien qu'il ne remporta sa première victoire qu'en 1985, cinq ans après ses débuts. A noter d'ailleurs que c'est le Britannique que Senna a remplacé chez Lotus cette année-là, le moustachu n'ayant plus les mêmes faveurs de la part de l'équipe depuis la disparition de son fondateur Colin Chapman fin 1982. Mais Williams a toujours apprécié les pilotes disposant d'un certain "fighting spirit", ce n'est donc pas pour rien que Mansell est resté six ans dans l'équipe de Sir Frank Williams, sept si on compte l'intérim de 1994.

Ainsi, une fois lancé, Mansell a souvent croisé le fer avec Senna lors des années suivantes. Plus d'une fois, cela s'est terminé par un accrochage étant donné que ni l'un ni l'autre n'était pas disposé à lâcher prise. Le plus célèbre étant celui de Spa 1987, dès le premier tour de course, où Mansell a répondu de la même façon que Senna avec Irvine six ans après au Japon : d'un bon crochet du droit ! Malgré tous leurs efforts, ils échouèrent à ramener le titre à la maison en 1986 et 1987. Senna prit sa revanche en 1988 là où Mansell dut mordre sur sa chique sur une Williams sous motorisée avec un modeste Judd. Ce qui ne l'a pas empêché d'être au moins aussi brillant que Senna à Silverstone sous la pluie puisqu'il finit deuxième, non loin du Brésilien.

Passé chez Ferrari en 1989 – faisant de lui le dernier pilote recruté par Enzo Ferrari – le Britannique a vite été adopté par les Tifosi qui lui ont collé ce surnom qui lui allait comme un gant "Il Leone", autrement dit Le Lion. Un statut qu'il confirma lors de sa splendide remontée à Budapest depuis la douzième place, un circuit pourtant peu propice à ce genre de performances. Senna en fut d'ailleurs la dernière victime puisque Mansell profita d'une hésitation du Brésilien lors du dépassement d'un retardataire pour déborder les deux à la fois ! Un dépassement couillu de plus, bien que Mansell fit mieux encore l'année suivante en doublant Berger à l'extérieur du banking de Mexico ! L'Autrichien fut si effrayé par cette manœuvre qu'il préféra lever le pied après coup.

Mais leurs deux duels les plus célèbres se sont produits en 1991 et 1992. Le premier s'est déroulé sur la ligne droite du circuit de Barcelone, qui accueillait son premier Grand Prix d'Espagne. Mansell, de retour chez Williams, prit l'aspiration de Senna pour se tenir à quelques centimètres de lui sur plus d'un demi-kilomètre, non sans moult étincelles caractéristiques des F1 du début des années 90. Pour une fois, c'est Senna qui céda, mais Mansell lui reconnut ce mérite – ainsi que le sien – avec ce commentaire : "Si un circuit longeait un ravin, il n'y aurait qu'Ayrton et moi pour mettre les roues au bord du précipice". Cependant, Senna ressortit vainqueur pour ce qui est du championnat, une troisième et dernière fois.

Plusieurs mois plus tard, la Williams FW14B à suspension active écrasait la saison : Mansell ressortit vainqueur des cinq premières courses, dépassant ainsi le record de quatre courses détenu depuis l'an passé par... Senna. Une sixième victoire aurait dû s'ajouter à Monaco. Aurait dû car à huit tours du but, Mansell s'engouffra dans les stands, convaincu d'avoir perdu un écrou de roue, avatar qui ne lui était pas étranger, surtout chez Williams, équipe coutumière du fait. Beaucoup crurent que l'imagination débordante du moustachu lui avait fait défaut mais l'équipe confirma la version de son pilote. Quoiqu'il en soit, Mansell aura beau essayer de doubler Senna à chaque virage du tortillard monégasque, il n'y avait rien à faire. Épuisé, Mansell s'effondra lors de la douche au champagne. Il s'est avéré plus tard que le Britannique s'était cassé le pied à Adélaïde l'an passé et a caché cette blessure à tout le monde tout le long de la saison...

Cependant, malgré toutes leurs batailles, il y avait bien un profond respect mutuel entre les deux, ce qui se confirma lors de l'obtention du titre mondial de Mansell lors du Grand Prix de Hongrie. Senna fut le premier à le féliciter, lui accordant quelques mots que Mansell n'a jamais voulu révéler entièrement. Hélas pour le Britannique, la signature de Prost chez Williams pour 1993 était dans l'air depuis longtemps et le fait que Sir Frank lui propose un salaire réduit de moitié lui fit comprendre qu'il n'était plus désiré, ce malgré sa domination. Dépité, il signa en CART pour 1993, non remporter d'emblée sa première course et son premier championnat ! Il manqua même de peu les 500 Miles d'Indianapolis, finalement remportées par un autre exilé de la F1, Emerson Fittipaldi.

Le destin voulut que Mansell fut rappelé pour remplacer Senna après l'accident de ce dernier, bien qu'il n'était pas le premier choix de Williams. En effet c'est Bernie Ecclestone qui a poussé l'équipe à faire revenir son ex-pilote fétiche lorsque son calendrier américain lui permettait : les audiences étaient en chute après le départ des grosses stars et il s'agissait de sauver les apparences. Mansell le fit en Australie où il remporta la 31è et dernier victoire de sa carrière, bien que cela fut rejeté dans l'ombre par le premier titre de Michael Schumacher.

Il prit cependant le temps de rendre un bel hommage à Senna sous la forme d'une lettre envoyée à son père Milton où il s'ouvrit sans détour : "Votre fils et moi étions profondément rivaux. C'est ce qui a fini par nous rendre proches. Il faisait partie de ma vie comme je faisais partie de la sienne. Alors une part de moi s'en est allée avec Ayrton".

Une image bien connue : Silverstone 1991, Ayrton ramené par Nigel après être tombé en panne d'essence dans le dernier tour.

Une image bien connue : Silverstone 1991, Ayrton ramené par Nigel après être tombé en panne d'essence dans le dernier tour.

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