La F1 et l'Autriche : l'Osterreichring, un circuit imprévisible

Publié le par Masta

La F1 et l'Autriche : l'Osterreichring, un circuit imprévisible

Pour les plus jeunes passionnés, lorsqu'il est question du Grand Prix d'Autriche, on pense surtout aux éditions courues sur l'A1 Ring qui a fréquenté le calendrier de 1997 à 2003 avant de revenir en 2014. Mais avant d'être le premier circuit remodelé par l'incontournable Hermann Tilke, ce circuit se nommait l'Österreichring. De 1970 à 1987, il se plaçait comme l'un des circuits préférés des pilotes tout en étant un tracé à haut risque et un lieu propice aux victoires surprises.

Débuts en douceur

Le premier Grand Prix d’Autriche s’est cependant disputé sur un tracé en forme de L placé sur l’aéroport militaire de Zeltweg. Une course à élimination à cause d’un revêtement désastreux qui vit la victoire de Lorenzo Bandini, alors N°2 chez Ferrari. Si cela resta le seul succès du défunt Italien – qui trouva la mort trois ans plus tard à Monaco – ce Grand Prix démontrait l’ambition du pays de posséder son propre Grand Prix. Les belles performances de son représentant Jochen Rindt l’ont poussé à reproduire l’expérience de manière permanente. Hélas, lors de l’édition inaugurale de l’Österreichring en 1970, l’Autrichien dut renoncer. Pire encore, ce fut sa dernière course puisqu’il trouva la mort en essais qualificatifs lors de la course suivante à Monza, si bien qu’il ne put jamais savourer son titre mondial. Pour l’histoire, c’est encore une Ferrari qui s’imposa en Autriche, avec Jacky Ickx à son volant devant le rookie Clay Regazzoni et la surprenante Brabham du non moins débutant Rolf Stommelen.

La disparition de Rindt n’a pas refroidi les organisateurs puisque l’année suivante, le Grand Prix avait toujours sa place au calendrier, non sans y voir les débuts d’un autre pilote issu de leur pays : Niki Lauda. S’il fit dans un premier temps de la figuration, son baptême du feu fut éclipsé par la démonstration du voisin suisse Jo Siffert. Sur une BRM pourtant inférieure aux Tyrrell ou autres Ferrari, Siffert réalisa le Grand Chelem : pole, meilleur tour en course et victoire après avoir mené de bout en bout, en dépit d’une crevaison sur les dernières boucles. Ce fut la deuxième et déjà dernière victoire de ce pilote éclectique unanimement apprécié : il trouva la mort dans une course hors-championnat à Brands Hatch quelques mois plus tard. Là encore, la course réserva quelques surprises puisque derrière Siffert et la Lotus d’Emerson Fittipaldi, c’est la Brabham de l’Australien Tim Schenken qui compléta le podium. Les Tyrrell et Ferrari ne virent pas l’arrivée, y compris le désormais champion Jackie Stewart, dont l’avance au championnat était suffisante.

Lors des trois éditions suivantes, le vainqueur fut moins surprenant : la Lotus 72, peu développée en 1971, avait retrouvé de sa superbe et Emerson Fittipaldi puis Ronnie Peterson s’imposèrent chacun leur tour en 1972 et 1973. Si Lauda signa la pole à domicile en 1974, c’est Carlos Reutemann qui domina l’épreuve devant le vétéran Denny Hulme qui signait là son dernier podium.

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Premières fois dans les montagnes

Le Grand Prix de 1975 est déjà plus réputé et pour cause : il fut marqué par une pluie diluvienne, si bien que la direction de course préféra interrompre la course peu après la première moitié. C’est le fantasque Vittorio Brambilla, pilote rapide mais erratique, qui l’emporta contre toute attente… non sans se cracher dans le tour d’honneur après avoir levé les bras pour fêter sa victoire ! L’image de la March endommagée sous les trombes d’eau fait aujourd’hui partie de l’Histoire de la Formule 1. Derrière l’Italien, James Hunt continuait d’impressionner sur Hesketh et il en allait de même pour Tom Pryce sur Shadow. A l’inverse, Jacques Laffite préféra renoncer volontairement au vu des conditions tant sa machine souhaitait vouloir échouer sur les talus de l’Osterreichring, ce qui poussa son employeur Frank Williams à le renvoyer séance tenante. S’il se ravisa, Laffite perdit l’occasion de signer pour Tyrrell qui le convoitait avant cela. Ce fut un mal pour un bien car « Jacquot » finit par rejoindre Ligier pour une belle carrière.

Hélas, l’exploit de Brambilla fut rejeté au second plan par la mort du grand pilote américain Mark Donohue : sa March de l’équipe Penske s’accidenta au warm-up du dimanche matin, non sans tuer un commissaire de piste. Alors qu’il s’extirpa sans soucis de la monoplace et qu’on estimait que ses jours n’étaient pas en danger, il décéda deux jours après, victoire d’une hémorragie cérébrale. Sa tête avait heurté un panneau publicitaire, causant des dommages qui se sont révélés plus importants que prévu. Penske lui rendit hommage de la plus belle des manières en s’imposant un an plus tard sur ce tracé grâce à John Watson. Une nouvelle victoire inattendue qui donna lieu à une anecdote également restée célèbre : l’Irlandais du Nord se rasa la barbe comme il l’avait promis à Roger Penske en cas de première victoire, si bien que personne ne le reconnut au lendemain de la course ! Laffite se rappela au bon souvenir de tous avec la deuxième place devant un nouvel espoir souvent oublié, le Suédois Gunnar Nilsson sur Lotus.

En 1977, le tracé fut modifié suite à l’accident de Donohue avec le premier virage remplacé par une chicane. Sauf que l’improbabilité restait maître ici car une nouvelle fois, la pluie redistribua les cartes et une nouvelle fois, un pilote brilla par surprise pour ouvrir son compteur de victoire. Ici, il s’agissait du futur champion 1980 Alan Jones, même si personne ne pouvait lui prédire un si bel avenir à ce moment tant l’Australien bourru était resté au second plan en dépit de ses efforts. Cette victoire sur une modeste Shadow en partant de la quatorzième place était déjà un premier indice. Ce fut la seule victoire de l’équipe américaine (la dernière pour un team de cette nationalité) qui n’allait pas tarder à plonger suite à la scission d’une partie de son personnel qui fonda une autre équipe, ironiquement non-victorieuse : Arrows.

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Dernières pour la route

La pluie joua encore les troubles-fête en 1978 au point qu’on interrompit la course après 8 tours. Celle-ci se déroula donc en deux parties avec le classement par addition des temps des deux manches comme cela se faisait à l’époque. Comme en 1977, la piste devint de moins en moins humide et Ronnie Peterson en tira le meilleur parti pour s’imposer. Hélas, comme pour Siffert, c’était la dernière fois avant son accident mortel de Monza. Un autre virtuose sans Couronne se fit remarquer ce jour-là puisque Gilles Villeneuve monta sur son premier podium. La course rentra aussi dans les statistiques comme celle proposant l’un des meilleurs plateaux de l’Histoire : sur 26 qualifiés, on compte 8 champions du Monde et 21 vainqueurs de Grands Prix, dont 13 qui avaient déjà accompli cette performance avant cette course.

Après une édition 1979 plus classique récompensant à nouveau Jones, 1980 vit la malchance de Jean-Pierre Jabouille le lâcher une dernière fois. Le Français, fer de lance du projet Renault turbo, fut victime plus souvent qu’à son tour des soucis de fiabilité du moulin tricolore. Pire encore, lorsqu’il visait la victoire au Brésil et en Argentine, il abandonna au détriment de son propre équipier René Arnoux. Mais cette fois en Autriche, c’était son tour de s’imposer. Le tout pour un schéma similaire à celui de Siffert et Peterson, mais heureusement sans la même fin tragique : une dernière victoire avant un grave accident lui coûtant sa carrière. C’est son beau-frère Jacques Laffite qui lui succéda douze mois plus tard sur la Ligier-Matra, devant la Renault d’Arnoux.

L’édition 1982 fut marquante pour deux raisons principales : la première étant l’équipe Brabham qui imposa le ravitaillement en essence à ses voitures. Gordon Murray s’était inspiré de la mésaventure d’Alain Prost en Afrique du Sud qui avait dû remonter après une crevaison. Cependant, ni Nelson Piquet ni Ricardo Patrese ne virent l’arrivée, pas plus que Prost victime des sempiternels soucis d’alimentation qui ont touché sa Renault cette saison. Résultat, l’Österreichring fut le théâtre à la fois d’une première et d’une dernière victoire : Elio de Angelis s’imposa pour cinq centièmes de secondes (un des plus faibles écarts de l’Histoire) face au futur Champion du Monde Keke Rosberg. Or ce fut l’ultime fois où une casquette s’envola en l’air pour fêter le triomphe du Lotus : son fondateur Colin Chapman décéda en fin d’année d’une crise cardiaque.

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Sorties champêtres

En 1983, le ravitaillement s’était généralisé – pour être mieux interdit l’année suivante – et Prost signa la première de ses trois victoires en Autriche, ce qui en faisait le recordman à ce moment. S’il menait le championnat à cet instant, le Professeur sentait que Brabham allait revenir et Renault payerait ses choix conservateurs, ce qui se vérifia en fin de saison à Kyalami. Il aurait également pu l’emporter en 1984 – où débuta un nouvel Autrichien en la personne de Gerhard Berger – mais il glissa sur l’huile de De Angelis et ne put se récupérer à cause de soucis de boîte. Ces mêmes tracas pénalisèrent son équipier Niki Lauda, mais pas suffisamment pour l’empêcher de gagner son Grand Prix national devant Piquet. Lauda ayant l’habitude d’économiser ses efforts, le Brésilien ne comprit que trop tard que son ex-équipier était en difficulté.

Prost prit sa revanche en l’emportant en 1985 – au détriment de Lauda qui menait la course – et en 1986 en dépit d’une McLaren pourtant inférieure en performance pure aux Williams, mais qui tint la distance contrairement à elles. La sélection fut si rude que des Ferrari hors du coup accompagnèrent le Français sur le podium tandis que les Lola-Haas de Jones et Patrick Tambay marquaient leurs premiers points. Hélas, la sécurité du circuit devint de plus en plus critiquable : les talus qui bordaient les circuits manquaient trop souvent de provoquer des catastrophes dès qu’un pilote tirait trop large. Jochen Mass se blessa à la nuque en 1980 et les pirouettes d’Andrea De Cesaris en 1985 ont marqué les esprits d’hier et d’aujourd’hui. Ce fut pire en 1987 : alors que Stefan Johansson heurta un daim (!) en essais libres, la course connut trois départs puisque les deux premiers ont provoqué tous deux des carambolages ! L’étroitesse de la ligne de départ-arrivée n’avait pas facilité la tâche…

Si Mansell s’imposa, l’Österreichring signa son arrêt de mort, du moins sous sa forme d’origine.

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