Mexique 1990 : La plus belle leçon du Professeur

Publié le par Masta

Mexique 1990 : La plus belle leçon du Professeur

S'il n'a jamais été le pilote le plus spectaculaire de sa génération, cela ne voulait aucunement dire que Alain Prost ne savait pas dépasser ou renverser une situation défavorable. Dès ses premières années, le Français a su démontrer un certain panache face à de rudes combattants comme Riccardo Patrese pour sa deuxième course au Brésil en 1980 ou Alan Jones l'année suivante à Zandvoort. Dans les deux cas, Prost ressortit vainqueur du duel. Ce fut même sa remontée de Kyalami 1982 après une crevaison qui persuada Gordon Murray de s'essayer aux ravitaillements chez Brabham. Mais quand on pense à la plus belle victoire de Prost, Mexico 1990 ressort généralement en tête de liste.

A ce moment, Alain Prost avait choisi de relever le défi Ferrari après en avoir soupé de l'atmosphère délétère de McLaren, conséquence de sa lutte au sommet avec Ayrton Senna et de l'ingérence du motoriste Honda, ouvertement en faveur du Brésilien. A côté, le manager transalpin Cesare Fiorio était chargé de remettre le Cheval Cabré sur la route du succès après la mort du Commendatore Enzo Ferrari. L'engagement d'un pilote de premier plan était un élément essentiel dans cet objectif et Prost, alors disponible, en était incontestablement un. Il fallait maintenant fiabiliser l'ensemble, Ferrari essuyant encore les plâtres de sa boîte de vitesses semi-automatique à sept rapports qui devait se généraliser par la suite mais qui était encore bien fragile, sans parler d'un V12 Ferrari moins homogène que le V10 Honda.

Ainsi, en arrivant au Mexique, Prost n'était pas favori. Son rival Senna s'était déjà imposé trois fois en cinq courses et son succès au Brésil était principalement dû à l'accrochage entre Ayrton et la Tyrrell de Satoru Nakajima. Les essais libres n'allaient guère le rassurer davantage : à l'entendre, il roulait aussi vite réservoir plein qu'en conditions de qualifications ! En clair, sa monoplace n'était absolument pas configurée pour affronter les bosses du circuit Hermanos Rodriguez. Qu'à cela ne tienne, si un pilote pouvait régler sa monoplace au poil, c'était bien le Professeur, qui devait en partie son surnom à ce talent de metteur au point. Il prit alors ce pari insensé : sacrifier ses qualifications et consacrer ces précieuses minutes à rendre sa Ferrari la plus confortable possible pour dimanche. Ce qui l'obligea à partir treizième sur la grille... mais ne l'empêcha pas de clamer contre vents et marrées qu'il était un candidat à la victoire ! Situation inverse à celle de 1983 où tout le monde le voyait gagner sauf lui. Dans les deux cas, le Français eut du nez, sans mauvais jeu de mot.

Il en était convaincu, sa belle Ferrari 641 était maintenant réglée à la perfection. Il pouvait même de contenter de deux tours lancés pour le warm-up du dimanche matin : il avait déjà préparé sa monoplace pour la course ! Il lui fallait maintenant remonter sur un circuit où dépasser n'était pas si évident malgré sa longue ligne droite à cause d'un bitume tout sauf lisse et uniforme. Le revers de la médaille étant la difficulté de tenir ses pneumatiques intacts jusqu'au bout, ce qui n'a jamais été un problème pour Prost avec son style coulé qui avait déjà dupé les ingénieurs de Goodyear par le passé ! De plus, il avait pris soin de conserver un train de pneus parfaitement neuf pour l'occasion, contrairement à ses adversaires.

Malgré un départ moyen, Prost entama son comeback. Prenant soin de ses gommes, il dépassa rapidement les monoplaces de milieu de grille pour se retrouver dans le Top 6 au bout de treize tours ! Entre temps, Gerhard Berger, auteur de la pole position, s'était déjà arrêté pour changer de pneus chez McLaren... Dans le dos de son équipier Nigel Mansell, Prost calqua son rythme sur l'autre Ferrari et déborda les Williams-Renault, bien plus à leur aise la veille que ce dimanche. Même la Benetton de Nelson Piquet, pourtant économe en pneumatiques (ce qu'elle prouva lors des deux dernières courses), dut stopper. Voici Prost remonté sur le podium et roulant deux secondes plus vite que Senna !

N'attendant aucun geste d'équipe de la part de Mansell et connaissant bien l'acharnement incroyable du Lion, Prost devait jouer sur son intelligence de course. Il patienta jusqu'à ce que Nigel double une Ligier attardée pour surgir et surprendre l'Anglais au bout du premier virage. Dernière victime : ce cher Senna qui n'était pas aussi sympathique envers ses gommes. Ne pouvant se résoudre à s'arrêter, il essaya de résister à Prost, en pure perte. Pire encore, il subit une crevaison à quelques tours du but et renonça en conséquence, sous le nez de Ron Dennis afin de bien faire comprendre sa frustration. Prost n'avait plus qu'à assurer la plus belle victoire de sa carrière, devant un Mansell qui écrivit lui aussi une belle page de sa légende ce jour-là avec ce dépassement à l'extérieur de la Peralta sur Berger !

C'était la quarante-et-unième victoire de Alain Prost et la quatre-vingt-dix-neuvième de Ferrari en Formule 1. Prost signa la centième dès le Grand Prix suivant, en France, pour une course non moins mémorable...

Il est peu dire que Senna usa ses pneus ce jour-là..

Il est peu dire que Senna usa ses pneus ce jour-là..

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K
Bonjour,<br /> <br /> Petite précision concernant les Benetton qui étaient encore chaussées en GoodYear pour 1990, l'équipe de pointe du manufacturier italien à l'époque étant Tyrrell (avec Jean Alesi en premier pilote).<br /> <br /> Bravo pour ce blog et continuez comme ça ! :-)
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M
Ah oui en effet, je ne sais pas pourquoi j'étais convaincu que les Benetton étaient passées en Pirelli en 1990, ce n'était qu'en 1991 donc.<br /> <br /> Merci pour la correction et les encouragements ;)