Débuts en fanfare, fin en eau de boudin : ces occasions manquées

Publié le par Masta

Débuts en fanfare, fin en eau de boudin : ces occasions manquées

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point », disait la tortue au lièvre. Encore faut-il tenir la distance. En Formule 1, nous avons eu droit à tous les cas de figure. Il pouvait s'agir d'un pilote qui manque le titre mondial après avoir perdu trop de points en début de saison ou un autre qui l'emporte sur le fil en dépit d'un démarrage en douceur. Dans le même ordre d'idées, certains ont confirmé leurs bonnes dispositions d'un bout à l'autre du championnat mais bien commencer l'année n'est pas toujours synonyme d'aller simple vers la couronne.

Feu de paille

Pour certains, il s'agissait surtout d'un état de forme passager pour mieux revenir à un niveau de performances plus représentatif par la suite. Ces pilotes n'étaient pas encore arrivés à maturité et/ou ne disposaient pas du matériel adéquat pour viser la première place. Ils n'avaient donc pas à nourrir de (trop) gros regrets.

Graham Hill avait commencé 1969 sur la lancée de son titre de 1968 avec une deuxième place à Kyalami et une cinquième victoire à Monaco mais dans l'ensemble, on se doutait que ce ne serait qu'un feu de paille. Graham n'était plus un perdreau de l'année (40 ans) mais surtout il existait une parfaite symbiose entre Jackie Stewart, sa Matra et son équipe dirigée par Ken Tyrrell. Le voir dominer la saison n'avait donc rien de surprenant. Neuf ans plus tard, Tyrrell disposait de sa propre équipe mais n'avait plus le même élan qu'avec son Écossais favori. Pourtant, Patrick Depailler donnait son maximum et remporta – enfin – sa première victoire à Monaco. Après cinq courses, il devint le premier Français à mener le championnat du Monde depuis Jean Behra en 1956... pour ne plus rien marquer lors des quatre manches suivantes. De toute manière, la Lotus 79 était intouchable. Deux ans après, René Arnoux redonna de l'espoir à l'Hexagone avec sa Renault qu'il imposa au Brésil et en Afrique du Sud, au détriment de son équipier Jean-Pierre Jabouille, tout aussi méritant. Ces abandons démontraient que le Renault turbo était encore en rodage. Le potentiel était là mais la fiabilité faisait toujours défaut. « Néné » laissa donc Alan Jones et Nelson Piquet se disputer le Graal.

Ce même Piquet lutta pour le titre en 1986 et 1987 mais un autre Brésilien avait pris les devants en première moitié de saison. Ayrton Senna n'avait déjà plus rien à prouver quant à son talent et il était probablement impossible de faire mieux que lui avec sa Lotus. Sauf que Magic avait parfaitement analysé la situation en refusant l'engagement de Derek Warwick comme équipier : il estimait que l'équipe n'avait plus les moyens de donner un matériel de même qualité à deux pilotes. Or Lotus eut beau se concentrer sur son pilote N°1, ce ne fut même pas suffisant. Le moteur Renault lâcha trop souvent la première année et sa monoplace était trop imparfaite en comparaison des Williams pour la seconde tentative, en dépit d'un Honda identique dans le dos.

Six ans après, Ayrton était passé chez McLaren mais là encore, l'équipe de Sir Frank avait la meilleure voiture mais surtout le meilleur moteur, le Renault V10 étant l'arme absolue des années 90. Ainsi, que Senna parvienne à remporter trois victoires pour les cinq premières courses et mener le championnat avec un Ford V8 client était déjà énorme. En comparaison, la forme de Damon Hill en 1995 (deux succès sur trois) était déjà plus logique puisqu'il était dans le camp du Losange mais il allait au choix craquer sous la pression (deux accrochages avec son rival) ou perdre de belles occasions grâce aux stratégies made by Williams. Tout bénéfice pour Michael Schumacher et Benetton.

Débuts en fanfare, fin en eau de boudin : ces occasions manquées

Stoppés dans leur élan

Il est par contre plus injuste de perdre le championnat lorsque le pilote n'est plus en mesure de défendre ses chances. Niki Lauda en sait quelque chose, lui qui avait dominé la première moitié de 1976, faisant ainsi suite à sa triomphale saison 1975. Puis vint l'accident du Nurburgring. Certes, Niki suscita l'admiration de tous en effectuant son comeback à Monza et en retardant l'échéance jusqu'au dernier Grand Prix mais il semblait acquis que l'Autrichien enchaînerait deux titres mondiaux... et même trois puisqu'il prit sa revanche en 1977. Michael Schumacher restera lui sur une série de cinq championnats d'affilée de 2000 à 2004 mais beaucoup considèrent que son règne aurait pu (et même dû) commencer en 1999. Il est vrai que l'Allemand mena le championnat après deux victoires en quatre courses mais il était encore à couteaux tirés avec Mika Hakkinen avant qu'il ne se brise la jambe dans le mur de pneus de Silverstone. L'issue reste donc sujette à débat. Pour rester dans le giron Ferrari, Didier Pironi fut plus malheureux encore car son envol de Hockenheim mit fin non seulement à sa saison mais également sa carrière. Dans une saison 1982 quelque peu chaotique et sans réel favori, le Français semblait sortir du lot, étant à la fois régulier et conquérant sur une Ferrari relativement homogène. S'il s'en sortit vivant contrairement à son ami Gilles Villeneuve, il n'était plus question du titre mondial.

Cependant, est-ce plus réconfortant lorsque le pilote en question dispute la saison entière mais perd le championnat alors qu'il avait des chances concrètes de vaincre ? Là encore, tout dépend du scénario. Emerson Fittipaldi en 1973 et Carlos Reutemann en 1981 avaient tous les deux leur place au Panthéon des champions du Monde et leur monoplace était la meilleure du lot. Dans ce cas, le problème vint du voisin de garage, ce qui favorisa un troisième larron. Pour le Brésilien, outre une Lotus pas toujours très fiable (refrain connu), il comprit que Colin Chapman n'allait rien faire pour mettre Ronnie Peterson à son service, alors que le Suédois n'avait rien marqué au cours des premières épreuves, là où Fittipaldi restait sur trois victoires en quatre courses. A côté, Jackie Stewart pouvait compter sur François Cevert pour le seconder et son talent fit le reste. A Monza, l’Écossais assura son troisième titre. Reutemann, lui, vit Williams prendre sciemment le parti d'Alan Jones, pourtant moins concerné qu'en 1980. Comme Nelson Piquet n'avait pas ce genre de soucis chez Brabham, il en tira le meilleur parti et l'emporta à Las Vegas. Carlos ne s'en remit jamais...

Jacques Laffite et Alain Prost ont, eux, été victime du même mal : une monoplace à priori bien née mais avec un développement insuffisant, mal avisé ou inexistant. En 1979, Laffite rempota les deux premières courses de la saison et suscita un vif espoir en compagnie de Patrick Depailler. Or la JS11 ne tint pas la distance. La faute en incombe aux moyens insuffisants de Ligier (l'équipe de Vichy venait à peine d'aligner une deuxième voiture), à la blessure de Depailler dont l'expertise technique précieuse faisait défaut à Laffite et à la concurrence de Williams, exploitant mieux l'effet de sol, et Ferrari bien plus réguliers. Si Laffite fut en lice jusqu'au dernier round en 1981, c'était bien deux ans plus tôt qu'il disposait des meilleures armes.

Idem pour Prost, victorieux en 1985 mais après tant d'occasions manquées ! La plus frustrante restera 1983 avec une Renault enfin fiabilisée et compétitive sur tous les types de tracé, l'intelligence de course du Professeur s'ajoutant au reste. Sauf que la Régie ne prit pas soin de prendre les décisions techniques adéquates en dépit des remarques de son pilote et cassa des turbos en conséquence, tandis qu'à côté, Brabham bénéficia d'un carburant pas totalement légal, ce qui fut prouvé après coup. Renault refusa de porter réclamation par éthique mais en vérité, le constructeur commençait déjà à se désintéresser de son sport. L'ironie voulut que Brabham soit la première équipe à imposer la technologie imposée par Renault... (En savoir plus)

Enfin, rarement une chute fut plus spectaculaire que celle de Ferrari en 1985. Michele Alboreto n'était peut-être pas du même bois que les Prost et Senna mais il était un pilote parfaitement valable et un des éléments majeurs des « années turbo ». Cela tombait bien, McLaren ne dominait plus comme en 1984 et la Ferrari semblait pouvoir en tirer parti avec huit podiums en dix courses. Puis la Scuderia passa des Top 3 et des premières lignes au ventre mou et aux abandons : Michele ne vit plus le moindre drapeau à damier lors des cinq dernières manches et il se qualifia quinzième à Brands Hatch lors de l'épreuve décisive ! Nul ne comprit réellement d'où vint un tel recul mais il était symptomatique de l'état de crise qui secouait Ferrari entre les dernières années d'Enzo Ferrari et celles suivant sa disparition.

Heureusement pour Nico Rosberg, ce cas de figure ne devrait pas se reproduire pour Mercedes...

A une époque, il n'y avait pas encore de tenue réglementaire dans les stands...

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