Si près du but : ces pilotes sans victoire (1/2)

Publié le par Masta

Si près du but : ces pilotes sans victoire (1/2)

Il y a deux façons de se faire connaître en Formule 1 : en inscrivant son nom dans les statistiques ou en laissant une emprunte suffisamment profonde dans le cœur des passionnés. Néanmoins, on peut avoir accompli quelques performances mais qui ont été oubliées quelques années plus tard, tout comme on peut ne pas avoir eu assez de temps pour enrichir son palmarès mais suffisamment pour que les fans se souviennent du pilote en question plusieurs décennies plus tard. C’est pour cette raison que des champions sans couronne comme Stirling Moss ou Gilles Villeneuve sont plus reconnus que les pilotes titrés que sont Denny Hulme ou Phil Hill. C’est aussi vrai pour les vainqueurs de Grands Prix : plusieurs noms restent encore méconnus en dépit de leur moment de gloire tandis que d’autres pilotes ont inlassablement buté sur cette dernière marche, ce qui eut pour effet d’en rendre quelques uns plus reconnaissables.

Certains pilotes furent rarement en mesure de vaincre mais lorsque l’occasion se présenta, ils réussirent à saisir la balle au bond au moment décisif pour franchir la ligne d’arrivée en premier. D’autres ne purent en dire autant et trois noms ressortent principalement. Le premier étant le regretté Andréa De Cesaris. L’Italien est une exception dans le sens qu’il a marqué sa génération et les statistiques mais pas de la meilleure des façons. Andréa est connu pour avoir rectifié un nombre assez important de châssis et son nom est toujours en tête de liste pour les records suivants : le plus grand nombre de Grands Prix sans victoire (208), le plus grand nombre d’abandons (148, soit 71% du temps) et de renoncements consécutifs (22 entre 1986 et 1988). Rien de glorieux mais « De Crasheris » ne manquait pas de talent quand sa monoplace restait sur l’asphalte, sans quoi il n’aurait pas connu une si longue carrière, appui de Marlboro Italie ou pas.

Le plus ironique étant que ses plus belles chances de victoire furent gâchées par la mécanique et non par le pilote. Après une pole surprise à Long Beach en 1982 (il devint le plus jeune pilote à réaliser cette performance), le premier vrai couac intervint plus tard dans l’année à Monaco pour une fin de course apocalyptique. L’accident d’Alain Prost à trois tours du but ouvrait la voie à Riccardo Patrese, sauf qu’un début d’averse le fit partir en travers à l’épingle du Loews, avant que Didier Pironi ne renonce lors du dernier tour. Andréa était donc en mesure de l’emporter mais son Alfa Roméo n’avançait plus, faute d’essence dans le réservoir… L’année suivante, De Cesaris se classa deux fois deuxième à Hockenheim et à Kyalami mais c’était à Spa-Francorchamps qu’il surprit son monde. Troisième en qualifications, il prit le meilleur départ et mena sans souci le premier tiers de course, avant qu’un arrêt aux stands prolongé et un moteur cassé ne vienne mettre fin à ses espoirs.

Rebelote huit ans plus tard sur le même tracé, de façon plus cruelle encore. Parti onzième sur la splendide Jordan 191, l’Italien progressa au fil des abandons mais aussi des dépassements pour se retrouver deuxième. Il était alors en mesure de menacer Ayrton Senna, en difficulté avec sa boîte de vitesses mais le Ford Cosworth dans son dos en décida autrement. Le problème étant que son voisin de garage ce week-end là l’avait dominé en qualifications et aurait pu faire aussi bien en course sans un problème d’embrayage d’entrée de jeu. Il s’appelait Michael Schumacher.

Ce même Schumacher allait permettre malgré lui à un autre pilote méritant de caresser son rêve sans le réaliser. En 1999, l’Allemand se cassa une jambe à Silverstone et dut renoncer au titre mondial. Jean Todt s’adjugea alors les services de Mika Salo. Avant qu’un autre Mika finlandais n’occupe le devant de la scène, Salo jouissait d’une bonne réputation dans le milieu grâce à ses efforts louables dans une équipe Tyrrell en fin de vie. L’équipe de « Oncle Ken » lui doit d’ailleurs ses derniers points à Monaco en 1997, où le Scandinave profita de la pluie et des deux heures réglementaires pour finir cinquième sans le moindre arrêt ravitaillement.

Particulièrement brillant en Principauté (il cumula quatre Tops 6 en cinq saisons), c’est sur son antithèse que Salo recueillit les louanges : l’ancienne version d’Hockenheim. Résistant à David Coulthard (qui en perdit son aileron) et profitant d’un ravitaillement raté de Mika Hakkinen, Salo prit la tête de la course… pour un tour. En effet sa mission était d’aider Eddie Irvine à remporter le championnat et Mika s’acquitta de sa tâche. Bon prince et bien conscient de la tâche ingrate d’un N°2, l’Irlandais du Nord lui offrit le trophée du vainqueur. Vainqueur moral…

Si Salo gardera de bons souvenirs de son intérim chez Ferrari, Ivan Capelli ne pourra certainement pas en dire autant ! L’Italien arriva au pire moment en 1992, dans une Scuderia en crise technique et sportive et où il était facile de se brûler les ailes. Jean Alesi eut beaucoup de mérite à finir deux fois sur le podium mais Capelli enchaîna les erreurs et contre-performances et finit par être renvoyé deux courses avant la fin. Si Ivan avait séduit Ferrari, c’était grâce à ses exploits pour March, équipe relancée par le groupe nippon Leyton House et qui profita du coup de crayon d’un jeune Adrian Newey. Précurseur des F1 au nez relevé, l’ingénieur offrit à ses pilotes une 881 bien fine et qui finit deuxième à Estoril en 1988 en dépit d’un moteur atmosphérique. Le problème étant que Newey était trop créatif pour une équipe au budget limité et ses idées ne pouvaient donner leur plein potentiel, d’où des résultats en dents de scie. Les monoplaces turquoises manquèrent même leurs qualifications au Brésil et au Mexique en 1990, ne pouvant supporter les inégalités de tracés remplis de bosses.

Il finit par plier bagage pour Williams avant le Grand Prix de France pour la dernière édition au Paul Ricard. Cela tombait bien : ce circuit était tout l’opposé de Mexico et Interlagos avec son revêtement lisse comme un billard, ce qui ne pouvait que convenir aux Leyton House. Mauricio Gugelmin l’avait prouvé douze mois plus tôt en signant le meilleur tour en course sur la voiture de réserve, la monoplace de course n’étant plus en état après un carambolage au premier départ. Les deux comparses firent mieux puisqu’ils se dispensèrent de tout changement de pneus en dépit d’une chaleur étouffante dans le Midi et finirent par mener la course. Comme pour De Cesaris, c’est la mécanique qui en décida autrement avec une pompe à essence éliminant Gugelmin après une cinquantaine de tours et poussant Capelli à céder face à Prost… à deux tours du but. Il sauva la deuxième place mais comme pour Salo, jamais plus il n’allait voir la plus haute marche de si près…

Déjà à l'époque, Adrian Newey savait dessiner de belles monoplaces

Déjà à l'époque, Adrian Newey savait dessiner de belles monoplaces

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