Olivier Panis : La vie en bleu (1994-1996)

Publié le par Masta

Olivier Panis : La vie en bleu (1994-1996)

Pendant un certain temps, les pilotes français remplissaient les grilles de Formule 1 par demi-douzaines. Les années 80 eurent même la chance de connaître un des plus grands champions avec Alain Prost, en plus de six vainqueurs de Grands Prix, dont certains sont passés proches du Graal. Grâce au soutien des cigarettiers et surtout du pétrolier Elf et sa fameuse filière, la France était assurée de compter quelques bons représentants de manière permanente. La loi Evin anti-tabac et la création de la Formule Campus, plus onéreuse que les cours de pilotage amenant au titre de « Pilote Elf », contribuèrent à fermer le robinet. En 1996 et jusqu’à 2001, on ne comptait plus que deux tricolores. Et fin 2004, le dernier pilote Elf se retira. Il s’agissait d’Olivier Panis.

S’il marqua moins l’inconscient collectif que Jean Alesi, c’était à la fois une question de timing et de caractère. Premièrement, Panis n’a jamais réellement eu de volant pour viser le haut de tableau contrairement à Alesi. Deuxièmement, là où Jean était impulsif et spectaculaire, Olivier était discret et propre. Certains le trouvèrent même « trop gentil », tant le Grenoblois ne faisait aucune vague. Un reproche déjà adressé à l’époque à Patrick Tambay qui répondit «Mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’être un bâtard toute sa vie pour gagner ! Et si c’est le cas, je ne peux changer mon caractère ». Pourtant, Panis pimenta à sa manière la deuxième moitié des années 90 et le début des années 2000 et s’attira le respect de ses pairs comme de ses employeurs grâce à son sérieux, son abnégation et son optimisme, en plus d’une très bonne sensibilité technique et d’une pointe de vitesse assez sous-estimée.

Ce n’est pas pour rien que Ligier lui donna l’opportunité de débuter en 1994. L’équipe s’empressa même de le conserver jusqu’à son rachat définitif par Alain Prost. Une telle fidélité est un gage de confiance, surtout en cette période où les Bleus passaient de mains en mains, de Cyril de Rouvre à Flavio Briatore. Panis sortait alors d’une deuxième saison de F3000 où il finit champion, devançant entre autres David Coulthard. A ce moment, rien que le fait d’arriver en F1 était vu comme une victoire aux yeux de sa compagne Anne, qui connaissait son mari depuis sa jeunesse en karting. Déjà à l’époque, il y avait beaucoup de candidats pour peu de places, y compris avec une grille ouverte à 26 monoplaces.

Heureusement, Panis se fit remarquer positivement avec une régularité exemplaire pour un débutant : quinze arrivées en seize courses ! Seul un accrochage avec Gianni Morbidelli à Magny-Cours (base de Ligier, ironiquement) et une disqualification au Portugal pour une usure excessive du fond plat vinrent gâcher le tableau mais pour le reste, ce fut un sans faute. Il faut dire que la Ligier JS39B n’était qu’une simple évolution du modèle précédent, favorisant ainsi une telle fiabilité mais en contrepartie, la monoplace ne pouvait viser les points à la régulière, même avec un moteur Renault. Il fallait donc des circonstances favorables comme à Hockenheim, où le « Big One » du premier virage traça le chemin pour Panis et son équipier Eric Bernard jusqu’au podium. Olivier dira que ce résultat a « sauvé » l’équipe, dont l’avenir à moyen terme n’était jamais assuré. En plus de cet exploit, d’autres Tops 6 à Budapest et Adélaïde et l’un ou l’autre temps canon en qualifications (sixième en Italie) contribuèrent à le crédibiliser aux yeux de tous.

Olivier Panis : La vie en bleu (1994-1996)

En 1995, Renault déménagea de Ligier à Benetton, preuve qu’il en est que le rachat par Briatore était tout sauf désintéressé… Cependant, il se chargea de ramener le moteur Mugen-Honda au détriment de Minardi et fit de la JS41 un clone de la Benetton B195, ce qui sautait aux yeux de tous mais ne fit pas réagir la FIA pour autant. Au moins, Ligier disposait d’une voiture neuve à moindre coût et c’était l’essentiel, le tout sous la houlette de Tom Walkinshaw, un des nombreux prétendants à la reprise de l’équipe. L’Anglais s’appropria finalement Arrows l’année suivante mais en attendant, son expertise rendit service à Panis et Martin Brundle, occasionnellement supplanté par Aguri Suzuki sur insistance de Honda.

Certes, le Français pêcha quelque peu en qualifications selon l’aveu même de son voisin de garage britannique, lequel le devança souvent le samedi après-midi. Mais en course, Panis répondit coup pour coup en marquant plus souvent, en dépit de quelques erreurs évitables et de départs volés. D’un autre côté, le châssis n’était pas le plus aisé à piloter et l’électronique chargée de détecter les envols anticipés était encore balbutiante et trop sensible… Il finit cinq fois dans les points (aux portes du podium au Canada et en Angleterre), avant de conclure en beauté à Adélaïde. Là encore, il répondit présent durant l’hécatombe avec une deuxième place… malgré un moteur au bord de l’explosion : « Il fumait de l’huile partout mais j’ai réussi à rejoindre l’arrivée comme ça. Dans les virages lents il menaçait de aller, il fallait que je le tienne dans les tours tout le temps et une fois passé la ligne d’arrivée, il a littéralement explosé ! ».

1996 s’annonça comme une répétition de 1994 avec une simple évolution du modèle précédent – Gauloises remplaçant Gitanes – et des points plus rares mais avec énormément de potentiel sur les tracés à fort appui. De là à offrir à la France et Ligier cette dernière victoire, il y avait de la marge ! Ce fut d’ailleurs le seul vrai rayon de soleil en cette saison difficile puisque Panis ne marqua qu’à deux reprises en dehors de la Principauté : sous la pluie d’Interlagos et la canicule de Budapest, autre circuit à forte charge aérodynamique. Son équipier Pedro Diniz, pilote payant mais non dénué de talent, ne fit pas beaucoup mieux. Il faut dire que Ligier était à nouveau secoué en coulisses avec le départ de Walkinshaw et la prise de capital à 100% de Briatore durant l’été. Après de nombreuses tractations, Alain Prost finit par passer de l’autre côté de la barrière et devint patron de sa propre équipe. Pour le meilleur mais surtout pour le pire, pour lui comme pour son pilote N°1…

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