Porsche en F1, un petit tour et puis s'en va

Publié le par Masta

Avec son record de victoires au 24 Heures du Mans et des modèles légendaires tels que la 911, Porsche est autant associé à la vitesse qu’au sport automobile. Un observateur non initié pourrait donc s’étonner de constater que la seule visite du constructeur en Formule 1 en tant qu’équipe à part entière tient presque de l’anecdote.

Porsche en F1, un petit tour et puis s'en va

Une monoplace qui ne manquait pas d’air

Il faut remonter aux années 60 pour trouver trace de l’engagement de Porsche, grâce à la décision de la Commission Sportive Internationale d’abaisser la cylindrée à 1,5 litre. L’idée était de réduire le nombre d’accidents mortels mais les puissances réduites n’eurent aucun effet positif sur les statistiques morbides… Elle eut au moins le mérite d’attirer un constructeur qui était rôdé à ce type de moteurs grâce à son engagement en Formule 2 où il signa quelques résultats encourageants. Pour faire bonne figure au moment de faire le grand saut, Porsche engagea deux pilotes confirmés, le Suédois Joachim Bonnier, vainqueur aux Pays-Bas en 1959 et Dan Gurney, grand espoir américain révélé sur Ferrari.

Pourtant, tout ne se passa pas comme prévu. Le modèle conçu pour la discipline fut un flop si bien que Porsche dut convertir sa F2 à 4 cylindres pour briller un minimum. C’était suffisant pour faire office d’outsider mais pas assez pour concurrencer Ferrari, seul au monde après avoir anticipé la réglementation grâce à un jeu de dupes lors des négociations. Néanmoins, Porsche n’avait pas à rougir car si Bonnier ne prit que trois unités, Gurney s’adjugea trois places de dauphin et finit troisième ex-eaquo avec Stirling Moss, le meilleur rempart aux Ferrari. Certes, ces podiums furent plutôt circonstanciels grâce aux abandons des favoris mais au moins la mécanique allemande avait tenu. L’Américain frôla même la victoire lors d’un Grand Prix de France rentré dans l’Histoire pour avoir consacré Giancarlo Baghetti, seul pilote vainqueur de son premier Grand Prix. Le potentiel était donc là, il fallait donc transformer l’essai.

La Porsche 804 devait s’en charger. La monoplace ne manquait pas d’allure, un vrai cigare sur roues comme la majorité des F1 des sixties mais elle ne se contentait pas de suivre la même voie que les autres. Son moteur V8 boxer (à plat) était refroidi par air grâce à un ventilateur placé au centre du bloc, à contrario des moteurs en V aérés par eau. Une idée intéressante mais qui faisait perdre quelques chevaux au bolide lors des pleines charges. Aussi, Porsche concevait ses propres freins à disque, là où tous les autres s’adressaient à divers fabricants et sa boîte de vitesses était synchronisée, sans grille pour guider le mouvement.

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Incompatibilité d’image ?

Ces quelques excentricités retardèrent la mise au point du véhicule, ce qui ne manqua pas de provoquer quelques soupirs dans la presse. Dans la revue Autosport, on soulignait avec dédain que "Porsche entamait une fois de plus la saison avec des voitures non testées". Gurney parlera de son côté d’une voiture rapide et avec une bonne tenue de route mais disposant d’une piètre accélération et d’une fiabilité insuffisante. Comme si cela ne suffisait pas, elle semblait trop petite pour la grande perche qu’était l’Américain. "Je ressemblais à une girafe !" dira t-il. Le début de saison fut ainsi décevant, si bien que Porsche fit l’impasse sur le Grand Prix de Belgique pour améliorer sa 804, une attitude assez courante chez les équipes en difficulté jusque dans les années 70.

Dans ce cas précis, cette absence semblait avoir l’effet escompté puisque Gurney revint au Grand Prix de France et remporta la course, la première pour lui et son équipe ! En vérité, comme (trop) souvent au cours de sa carrière, l’Américain dut sa victoire à l’abandon de ses rivaux, en premier lieu Clark, alors que presque tous ses cavaliers seuls furent interrompus à un jet de pierre de l’arrivée. Après, comme l’année précédente, la voiture avait tenu tout le long et le talent de Gurney, un des plus grands pilotes sans titre mondial, ne pouvait aucunement être remis en question. Les mécaniciens purent enfin se raser, eux qui s’étaient juré de garder leur barbe jusqu’à ce que Porsche parvienne à ses fins ! Gurney se félicita d’ailleurs d’être tombé dans une équipe à l’ambiance familiale, loin des clichés circulant sur les équipes allemandes.

Ce fut hélas le seul hourra de la firme de Stuttgart en Formule 1, si on excepte une course hors-championnat disputée sur le circuit de Solitude, à deux pas de l’usine mère. Gurney ne manqua pourtant pas de panache en décrochant la pole au Nurburgring et aurait pu doubler la mise si sa batterie ne s’était pas délogée de son emplacement. La recalant avec son genou (!), l’Américain laissa filer Graham Hill et John Surtees dans la manœuvre et ne put renverser la situation. Dernière lueur d’espoir avant que Porsche ne débranche la prise pour diverses raisons : outre le cumul F1-Endurance lourd à porter (Ferrari le constatera plus tard), les coûts étaient trop importants pour ce que la F1 pouvait lui rapporter et le constructeur estimait que cette discipline ne lui apprend pas grand chose pour ses modèles de route. Une pensée encore d’actualité.

De là est née une frilosité dont Porsche ne s’est jamais séparée. Certes, les passionnés ne savent que trop bien qu’au milieu des années 80, c’était un moteur Porsche qui propulsa les McLaren de Niki Lauda et Alain Prost vers les titres mondiaux. C’est oublier que pour persuader le constructeur de revenir avec un turbo, Ron Dennis dut trouver un bailleur de fonds en la personne de Techniques d’Avant-Garde ou TAG, si bien que c’est sous ces initiales que le moteur fut badgé. Il s’agissait de faire vœu de silence en cas d’échec du projet… Ironiquement, le TAG leur apporta trois titres chez les pilotes et deux chez les constructeurs là où la tentative de retour sous son nom propre en 1991 avec Footwork fut un flop total au point qu’on ne revit plus jamais le nom Porsche en Formule 1. Il va falloir attendre encore un peu…

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