Jamais deux sans trois : la troisième voiture en F1

Publié le par Masta

Jamais deux sans trois : la troisième voiture en F1

Depuis que la Formule 1 fait face à une pénurie d'équipes, cette question revient toujours sur le tapis : quid d'une troisième monoplace ? Si ce cas de figure est inédit dans la Formule 1 contemporaine, il l'était déjà moins jusqu'aux années 70 et 80.

En effet, le modèle de deux pilotes par équipe s'est principalement imposé dans les années 80 au moment de la montée en puissance de Bernie Ecclestone. Celui-ci cherchait à offrir le meilleur produit télévisuel possible, d'où le besoin de ne pas perdre des téléspectateurs en cours de route. Il s'agissait donc de pousser les équipes à aligner les mêmes pilotes toute la saison (sauf en cas de force majeure) et de limiter le nombre de monoplaces afin que les grilles ne soient pas surpeuplées : 20 équipes et 39 monoplaces en 1989..

Le dernier cas d'une troisième monoplace en course remonte à 1985 avec la Renault de François Hesnault au Grand Prix d'Allemagne. A l'image du one shot de Philippe Streiff au Portugal en 1984, la présence de cette Renault supplémentaire avait pour seul but d'éprouver la caméra embarquée qui ne s'était pas encore généralisée à cet instant. Depuis, les équipes se sont alignées sur le modèle que l'on connaît aujourd'hui, à une ou deux exceptions près, Eurobrun en 1989 ou Osella en 1990 n'alignant qu'une seule voiture. Le troisième pilote a principalement eu droit à sa séance d'essais le vendredi à partir de 2003 - au détriment d'un titulaire depuis 2007 - mais sans pouvoir piloter le samedi et le dimanche.

Plus tôt dans l'Histoire, les équipes alignaient une troisième monoplace davantage pour évaluer le talent d'un jeune espoir que pour influer dans le déroulement du championnat. Un des exemples les plus connus reste celui de Gilles Villeneuve. Soufflé par ce jeune Québécois qui l'avait devancé à la régulière durant une course de Formule Atlantic, James Hunt le recommanda chaudement à son équipe qui se laissa convaincre à Silverstone en 1977. Le Canadien impressionna son monde en se qualifiant neuvième (devant le second pilote Jochen Mass) et en signant le cinquième meilleur tour en course. Ferrari en prit bonne note...

D'autres équipes eurent le même réflexe : Patrick Depailler devait piloter la troisième Tyrrell pour la tournée nord-américaine en fin d'année 1973 mais une chute à moto l'empêcha de se confronter au duo Stewart-Cevert. Ce qui n'empêcha pas son recrutement l'année suivante à la condition qu'il se tienne à l'écart de jouets dangereux de ce type... Mario Andretti se fit aussi remarquer en tant que troisième larron : il signa la pole dès ses débuts en 1968 aux USA au grand dam de Graham Hill, futur champion du Monde cette année-là. L'Italo-Américain privilégiait cependant sa carrière américaine à celle européenne, ce pourquoi ses participations restèrent sporadiques dans un premier temps.

Il s'agissait ici d'alignements provisoires et ponctuels. Mais outre des cas particuliers comme BRM en 1972, qui engagea quatre à six pilotes par course grâce à la manne financière apportée par Marlboro, il n'était pas rare de voir trois monoplaces et même plus dans les années 50. La principale raison venait de la réglementation qui permettait à un pilote ayant renoncé de relayer un équipier sur sa propre machine, ce qui débouchait sur un partage de leurs points.

Ce point du règlement a surtout aidé Juan-Manuel Fangio en 1956, souvent victime d'une monoplace insuffisamment préparée à en croire l'Argentin. Les jeunes loups qui le secondaient avaient encore tout à prouver et n'étaient pas tous disposés à lui rendre ce service. Luigi Musso notamment refusa de lui céder son volant au Grand Prix d'Italie, bien qu'il ne visait que la victoire et pas le titre. A l'inverse, Peter Collins, qui disposait d'une chance mathématique de sacre, offrit spontanément sa Ferrari à son aîné... et le titre mondial par la même occasion. N'ignorant pas que les équipes pourraient user et abuser du règlement, la CSI (Commission Sportive Internationale, l'ancien organe sportif de la FIA) interdit cette possibilité à la fin de l'année 1957.

Enfin il existait un autre cas de figure permettant l'introduction de monoplaces supplémentaires : les châssis clients. Des pilotes qui disposaient d'une valise de billets achetaient une vieille monoplace pour figurer sur la grille de départ. L'Américain Brett Lunger usa ses fonds de combinaisons dans des McLaren, l'Espagnol Emilio De Villota (père de la défunte Maria) fit de même avec des Williams tandis que le Mexicain Hector Rebaque s'offrit des Lotus avant de fonder sa propre équipe...

Le patron d'équipe Rob Walker s'est même fait (re)connaître en tant qu'indépendant. Stirling Moss connut ses dernières heures de gloire avec son équipe au volant de Lotus moins évoluées que celles d'usine. Cependant, ces monoplaces ne faisaient pas partie de l'équipe officielle et courraient sous une autre bannière.

Le cas de figure le plus parlant à ce niveau reste celui de March en 1970 qui aligna pas moins de six voitures pour quatre équipes différentes ! Il y avait l'équipe officielle avec Jo Siffert et Chris Amon, l'équipe Tyrrell pour Jackie Stewart et Johnny Servoz-Gavin, l'équipe STP (du nom de l'additif) pour Mario Andretti et Antique Automobiles pour le rookie Ronnie Peterson. Une situation qui ne perdura pas toute l'année étant donné que les deux derniers ne participèrent pas à tous les Grands Prix et que Tyrrell finit par construire ses proches châssis... avec plus de succès.

Ainsi, retrouvera t-on une troisième monoplace de manière permanente si les circonstances l'exigent ? Si oui il y a de fortes chances que cela reste provisoire, surtout dans une période où la réduction des coûts reste une préoccupation majeure. Autres temps, autres mœurs...

Car oui, Gilles Villeneuve n'a pas passé toute sa carrière chez Ferrari...

Car oui, Gilles Villeneuve n'a pas passé toute sa carrière chez Ferrari...

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