Justin Wilson : le géant de fer

Publié le par Masta

Justin Wilson : le géant de fer

Au début des années 2000, l'anti-chambre de la Formule 1, la F3000, commençait à prendre du plomb dans l'aile. Remplie à ras-bord de pilotes désireux de prouver leur valeur avec une flopée de junior-teams, l'ancêtre du GP2 avait vu trop gros, trop cher et le retour de bâton se fit sentir. Cependant elle comptait encore des pilotes de valeur destinés à un bel avenir en Formule 1. Parmi ceux-ci, le pilote d'essais de Benetton-Renault Mark Webber, managé par Flavio Briatore ou le tout jeune espagnol Fernando Alonso qui avait également tapé dans l’œil de l'Italien, non sans un petit forcing de la part de Jacques Villeneuve, sans parler de Sébastien Bourdais qui tentait également de percer et d'imiter Jean Alesi et Erik Comas. Et puis il y avait Justin Wilson.

Guidé par l'ancien pilote Jonathan Palmer, cet énergumène commençait à faire parler de lui grâce à un style de pilotage propre mais efficace et à une belle régularité, laquelle lui rendit service face à un Webber encore un peu trop fougueux. Sachant que son rival australien avait déjà une petite côte dans le milieu, voir Wilson le devancer pour le titre en 2001 ne pouvait qu'attirer les regards. Hélas pour lui, il n'y avait pas de place pour lui pour la saison 2002, Minardi préférant d'ailleurs Webber sous l'insistance de Briatore, qui avait agi de même avec Alonso l'année précédente. Il était en effet idéal pour ses poulains de débuter sans pression en fond de grille avant de passer à l'étape suivante, fort d'une année solide. La suite est connue pour ces deux-là.

Wilson se recasa alors en World Series by Nissan, une compétition espagnole qui commençait à concurrencer la F3000 et qui préfigurait l'actuelle Formule Renault 3.5 lorsque le constructeur reprit l'affaire à son compte. Face à l'ancien pilote BAR Ricardo Zonta et au prometteur Frank Montagny, Wilson se défendit bec et ongles, bien qu'il ne réussit pas à s'adjuger un nouveau titre. Aucune importance, Minardi était cette fois disposé à lui offrir sa chance, bien qu'il n'était pas un pilote payant proprement dit. La principale tâche était surtout de lui faire un cockpit à sa taille car un élément n'avait échappé à personne : Wilson mesurait 1,91 mètre. Cela représentait un handicap non négligeable non seulement pour le confort de pilotage mais également pour la performance pure, puisque plus grand allait souvent de paire avec plus lourd. Alexander Wurz (1m86) en fit l'expérience lorsqu'il se coltina une Benetton obèse en 1999 : il ne pouvait disposer d'aucun lest pour répartir les masses idéalement.

Ainsi, Wilson avoua que certaines équipes l'ont tout simplement ignoré à cause de ce paramètre, là où Minardi a tout fait pour mettre son pilote à l'aise : "L'équipe a réalisé ce qu'elle aurait à faire si j'étais un de ses pilotes mais elle a estimé que j'en valais le coup, ce qui est sympa pour moi. Ils voulaient que je rentre dans la voiture dès le début, au moins je savais qu'ils me voulaient vraiment" relata t-il pendant l'hiver.

Une fois le problème du cockpit réglé, Wilson se mit en quête de fonds pour alimenter le tiroir-caisse trop peu rempli de Minardi. Palmer lui soumit une idée originale : se coter en bourse afin que ses fans achètent des parts de lui-même ! Ainsi, au moment où Wilson retirerait des bénéfices durant sa carrière, ses actionnaires en toucheraient une certaine partie. Cela en plus de sa taille contribuèrent à distinguer Wilson du reste du plateau au moment de s'aligner sur la grille de départ à Melbourne en 2003. Sans surprise, beaucoup le questionnèrent sur son physique peu commun pour un pilote de F1 mais sans jamais s'en offusquer.

Après que Minardi ait choisi d'exploiter les failles du règlement en rentrant aux stands à la fin de leur (unique) tour de qualifications afin de pouvoir travailler sur les voitures (celles-ci étaient bouclées dans un parc fermé une fois la séance terminée), Wilson fit parler la poudre. Parti en pneus pluie sur une piste légèrement humide mais s’asséchant, il gagna huit places en un tour ! Hélas, il dut rapidement passer aux slicks et une pierre vint percer son radiateur, mettant prématurément fin à sa course. Néanmoins, il fit une première bonne impression. Ce fut encore mieux à Sepang puisqu'il se retrouva huitième après les premiers kilomètres ! Certes les touchettes et soucis techniques du premier tour jouèrent leur rôle mais contrairement à un Antonio Pizzonia trop pressé, Wilson sut se mettre à l'abri des soucis. Du moins, jusqu'à ce que son système HANS ne glisse de ses épaules pour bloquer un nerf, lui paralysant presque les bras. Souffrant le martyr, il renonça.

Interlagos aurait pu lui réussir au vu des circonstances, Paul Stoddart assurant à qui voulait l'entendre que Jos Verstappen pouvait gagner la course ! Il est vrai que le Néerlandais roulait en compagnie de Fisichella, futur vainqueur, sur la même stratégie. Wilson avait lui déjà disparu après un tête-à-queue dans la Curva Do Sol, le premier d'une longue série ce jour-là. La mécanique l'arrêta en pleine course à Imola avant que Justin ne voit enfin le drapeau à damier à Barcelone. Non seulement il devança son expérimenté équipier en qualifications comme en course mais en plus il réalisa un nouveau départ canon pour se placer neuvième et tint son rang jusqu'au premier ravitaillement ! Avec de modestes moyens, Wilson faisait au moins aussi bien que ses illustres prédécesseurs, lesquels se révélaient pour de bon durant cette superbe saison 2003.

En comparaison, Antonio Pizzonia décevait chez Jaguar et fut mis à la porte après le Grand Prix de Grande-Bretagne. Wilson était un choix logique, d'autant que Minardi avait besoin de liquidité et ne crachait pas sur un rabais de la facture du moteur Cosworth en compensation. A Hockenheim, Wilson passait en vert et devenait coéquipier de... Webber. C'est à ce moment que la machine s'enraya. Certes, l'Anglais joua de malchance entre des soucis techniques en Hongrie et en Italie et un carambolage en Allemagne où il fut une victime collatérale. De l'autre côté, Webber faisait des miracles en se plaçant troisième en qualifications à Budapest là où Wilson végétait en milieu de grille. Difficile de comprendre un tel écart de performance au vu de leur saison 2001 de F3000, si bien qu'on se demandait si Jaguar avait vraiment les moyens d'engager deux monoplaces de même valeur. Son point à Indianapolis (curieuse pirouette du destin) ne fut pas suffisant pour sauver sa place. Red Bull, qui commençait déjà à étudier la question d'une reprise, plaça Christian Klien et Justin fit ses adieux à la F1, alors qu'il méritait une seconde chance sans aucun doute.

Comme Bruno Junqueira et Sebastien Bourdais (son prédécesseur et son successeur au trône en F3000), c'est en Amérique que Wilson se refit une santé. D'abord en ChampCar sur le déclin puis en IndyCar en reconstruction, il devint un animateur régulier des championnats. Deux fois vice-champion dans le premier, il remporta trois victoires dans le second et finit sixième au classement général 2013, non sans avoir remporté les 24 Heures de Daytona. Recruté par Andretti Autosport pour finir la saison 2015, sa carrière s'acheva prématurément à Pocono, contribuant malgré lui à assombrir davantage cette année déjà marquée par la disparition de Jules Bianchi en Formule 1.

On ne peut remonter le temps et refaire l'Histoire mais même s'il méritait mieux, en F1 comme en IndyCar, il restera "Badass Justin". Repose en paix cher géant.

Justin Wilson : le géant de fer
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article