Prost, Mansell et Ferrari : autodestruction

Publié le par Masta

Au moment de quitter McLaren pour Ferrari en 1990, Alain Prost était en droit d’espérer une relation de travail bien plus cordiale avec son nouvel équipier. C’était sans compter sur le caractère lunatique de Nigel Mansell et une Scuderia minée par les intrigues politiques…

@ F1-history.deviantart

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La rivalité opposant Alain Prost et Ayrton Senna reste une illustration parfaite de l’association ultime mais ne pouvant durer. Avec deux pilotes aussi bons et aussi ambitieux, il était écrit que cette alliance finirait mal. Il n’est donc pas si surprenant qu’une fois sa carrière de pilote achevée, Prost finisse par approuver l’idée d’une hiérarchie définie, avec un N°1 et un N°2. Le débat est encore d’actualité après les échauffourées opposant Lewis Hamilton et Nico Rosberg.

Reste qu’à l’époque, le Professeur était convaincu du contraire. Pour lui, le deuxième pilote devait être aussi bon et disposer des mêmes chances de vaincre pour faire avancer l’équipe. C’est cet état d’esprit qui l’incita à proposer Senna à McLaren et de rejoindre Ferrari sans demander de statut privilégié. Du moins officiellement. Dans les faits, en bon perfectionniste, Prost faisait en sorte de s’attirer l’attention de l’équipe quitte à délaisser le deuxième pilote. C’était à lui d’agir en conséquence. Senna, aussi maniaque que son équipier, a su répondre coup pour coup. Pas Nigel Mansell.

Le moustachu était certes connu pour sa bravoure admirable en piste mais aussi pour ses gaffes presque aussi remarquables. Il était évident que Mansell misait tout sur son potentiel pour vaincre sans chercher plus loin. Partant de là…

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Courage, fuyons !

Onze courses plus tard, au soir du Grand Prix de Belgique, Prost était deuxième du championnat avec 50 points, au coude à coude avec son cher rival Senna. Mansell naviguait lui en huitième place avec 13 points, soit autant que Jean Alesi sur Tyrrell ! Entre temps, dégoûté, Nigel avait annoncé sa retraite au soir du Grand Prix de Grande-Bretagne. Beaucoup furent pris de court même en connaissant l’impulsivité du bonhomme. En vérité, Mansell déplorait une situation déjà vécue chez Williams selon lui : être relégué au poste de N°2.

A titre d’exemple, il rapporta plus tard une anecdote selon quoi Prost avait demandé et obtenu son châssis en tant que mulet pour ce Grand Prix d’Angleterre. Ceci après que l’équipe ait affirmé le contraire à Nigel, avant que Cesare Fiorio, le team manager, n’admette la vérité. De plus, sa Ferrari échoua à franchir la ligne d’arrivée à sept reprises, contre trois pour Prost. On serait donc en mesure de le croire. Sauf qu’avec sa mémoire sélective, Nigel oublia deux paramètres.

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La leçon du Professeur

Premièrement, face à un Prost considéré comme l’un des pilotes les plus intelligents qui soit, un Mansell plus "binaire" ne pouvait que souffrir. Par exemple, pour souligner son intégration, Alain choisit de parler italien au cours des briefings. Un effort qui n’avait jamais traversé l’esprit de Nigel. Prost caressa ainsi le cheval cabré dans le sens du poil. Cesaro Fiorio évoqua quant à lui le Grand Prix du Brésil où Prost échangea son point de vue sur les réglages avec son équipier pour ensuite demander à son équipe des changements mineurs de dernière minute. Bien entendu, Mansell se sentit floué. Cette intelligence tactique mina un pilote que l’on savait fragile mentalement.

Ainsi, au lieu de travailler davantage pour combler l’écart, tel Nico Rosberg en 2016 face à Hamilton, Mansell baissa les bras. D’après Prost, durant l’année 1990, Mansell ne se rendit qu’à deux ou trois briefings et préféra jouer au golf… Le diagnostic était clair du côté français : Mansell n’a pas été nommé N°2, il s’est lui-même collé cette étiquette par défaut d’implication.

Reste qu’au moment d’arriver à Monza, Prost luttait pour le titre mondial. Il était en parfaite cohésion avec son équipe. Du moins, c’est ce que l’on croyait.

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Drame à l’italienne

Déjà, Ferrari n’avait pas pansé toutes ses plaies suite à la mort d’Enzo Ferrari. Il s’agissait encore de savoir qui dirigeait vraiment l’équipe et qui allait la mener au succès. Comme Prost le dit lui même, "certains dirigeants n’avaient pas intérêt à ce que la Scuderia réussisse sous ce régime". Cesare Fiorio compléta l’analyse en précisant qu’à son arrivée en 1989, beaucoup s’étaient désintéressés du cas Ferrari mais qu’une fois la Scuderia sur les rails, certaines têtes ont cherché à s’impliquer, quitte à casser le jouet. Or Fiorio menait en secret des négociations avec Ayrton Senna pour l’associer avec Prost ! Un jeu dangereux et le prétexte idéal pour le président de Ferrari, Piero Fusaro. Non seulement il mit Prost au courant des négociations, mais il lui fit croire que Fiorio voulait le remplacer par Senna !. La confiance était rompue même si Fusaro mit fin aux négociations avec le Brésilien peu après.

Ensuite, un revirement de situation s’opéra au sein de l’équipe, sans explication. D’après Prost, Mansell devait être remplacé par le pilote essayeur Gianni Morbidelli pour Monza. Sauf qu’après plusieurs réunions impliquant des avocats, non seulement Nigel conserva son volant mais il récupéra toutes les faveurs de l’équipe, mulet compris ! Il y avait ainsi deux clans au Portugal, alors que Ferrari monopolisait la première ligne. En suivit le départ et Mansell tassant volontairement son équipier dans le rail pour finalement l’emporter. Révolté contre ce comportement et constatant que Ferrari ne remettait pas en cause le geste de Nigel, Prost lâcha que "Ferrari ne mérite même pas d’être champion du Monde !". Mansell aura beau laisser passer Prost à Jerez, cela ne changea rien. L’attentat de Senna à Suzuka enterra définitivement les chances de titre du Français…

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Cheval malade…

Mansell revint finalement sur sa décision et signa avec Williams, désireux de passer tous ses caprices. Prost quant à lui ne put que constater la stagnation technique de Ferrari et se contenter des miettes en 1991. Pire encore, son équipe ne le soutenait plus. A l’époque "Ferrari prenait les décisions en fonction de ce que la presse italienne écrivait" dixit le Prof’. Et on connaît la plume épicée transalpine. Le renvoi de Prost après la fameuse tirade du camion de Suzuka en devint presque comique puisque Ferrari le rappela deux semaines plus tard, après que Fiat ait viré le président Fusaro…

Le point positif, c’est que Prost n’eut plus jamais le moindre souci avec son équipier. Avec son équipe, c’est autre chose…

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