1968, une transition dans la douleur

Publié le par Masta

1968 fait écho à 1958 sur plusieurs points : le départ du pilote phare de la décennie, de nombreux drames et les prémices d’une évolution majeure pour la Formule 1. On prend les mêmes et on recommence ? Pas tout à fait.

@ Pinterest

@ Pinterest

La malédiction du 7 ?

Non seulement l’année 1968 fut aussi meurtrière que 1958, mais en plus la grande faucheuse s’est acharnée avec une régularité des plus sordides. Quatre pilotes nous quittèrent à quatre mois d’intervalle, tous autour du 7 mais pas dans les mêmes circonstances. Jim Clark fut le premier le 7 avril lors d’une course de F2 à Hockenheim. On ignorera la cause réelle faute de témoins mais une crevaison reste l’hypothèse la plus plausible. Puis vint Mike Spence le 8 mai lors d’essais pour Lotus au cours des 500 Miles d’Indianapolis, après qu’une roue l’ait heurté en pleine tête. Suivit Ludovico Scarfiotti le 8 juin en course de côte, où il avait un contrat prioritaire sur celui le liant à Cooper en F1.

Le dernier fut Jo Schlesser (oncle de Jean-Louis) le 7 juillet au Grand Prix de France. Essayant une Honda spéciale à refroidissement par air refusée par le pilote maison John Surtees, il paya le prix fort de son absence de mise au point. Sa voiture s’enflamma contre le talus à Rouen, piégée par le début d’une averse. C’est en hommage à ce pilote lorrain que Guy Ligier attribua le suffixe JS à ses futures monoplaces.

@ Pinterest

@ Pinterest

Orange mécanique

Si McLaren fit de la figuration durant ses deux premières années, l’équipe de l’ex plus jeune vainqueur de l’histoire monta enfin au créneau en 1968. Grâce à l’argent accumulé durant les compétitions américaines, Bruce put s’offrir le moteur Ford Cosworth si brillant en 1967, et le champion du Monde en titre et compatriote Denny Hulme. McLaren imita ainsi Brabham et Eagle en remportant un Grand Prix sur sa propre monoplace, en Belgique. La première de son équipe et la dernière de sa propre carrière.

Hulme compléta le tableau avec deux bouquets en Italie et au Canada, le rendant éligible au titre mondial. Il finit finalement troisième au classement final, là où McLaren finit dauphin de Lotus du côté constructeur.

@ F1-history.deviantart

@ F1-history.deviantart

"Mes voitures ne fument pas !"

A la fin des années 60, les grilles de départ devinrent de moins en moins fournies. La discipline devenant de plus en plus professionnelle, tout le monde n’avait pas les moyens de financer un tel programme. Même Ferrari souffrait, jonglant il est vrai entre F1 et endurance. La Commission Sportive Internationale, l’ancien organe sportif de la FIA, décida ainsi d’autoriser la présence de marques sur les monoplaces. Les soutiens financiers s’accumulèrent, de même que les participants.

Naquirent ainsi une idée reçue tenace et une petite phrase à l’ironie mordante. En premier lieu, on a souvent considéré Lotus comme la première équipe sponsorisée via le cigarettier Gold Leaf. Or lors de l’ouverture à Kyalami, le fameux vert anglais était encore présent tandis que les Brabham des pilotes locaux disposaient du soutien de Gunston. A côté, Ferrari resta inflexible sur la question dans un premier temps, Enzo Ferrari lâchant que ses voitures ne fumaient pas. Il finira par retourner sa veste quelques années après.

Et en 2018, en dépit de l’interdiction de la pub tabac en Europe, Ferrari reste associé à Marlboro…

@ F1-history.deviantart

@ F1-history.deviantart

Des cigares aux avions

L’autre changement majeur de la saison 1968 concerne aussi l’apparence des monoplaces. Celles-ci allaient de plus en plus vite et si les « cigares » des sixties pouvaient facilement maîtriser les moteurs de 1,5 litre, la cavalerie des 3 litres imposés depuis 1966 aboutissaient à un déséquilibre flagrant pour quiconque n’ayant pas produit un moulin suffisamment léger. Ainsi apparaissaient les ailerons, à l’avant comme à l’arrière.

Pour le coup, les savants fous qu’étaient Colin Chapman (Lotus) et Mauro Forgheri (Lamborghini) n’avaient rien inventé. L’un avait repris le concept de la Chaparral 2E, remarquée en compétition CanAm deux trois ans plus tôt, l’autre s’était inspiré de la Porsche RSK du pilote-ingénieur suisse Michael May qui datait de… 1956 ! Lotus avait d’ailleurs commencé timidement avec de petites ailes à l’avant et le capot moteur cunéiforme à Monaco. Puis lorsque Ferrari et Brabham installèrent une nouvelle barre au dessus du moteur en Belgique, Chapman répondit en la hissant encore plus haut et tenue via les porte-moyeux ! Les accidents de Graham Hill et Jochen Rindt l’année suivante en Espagne mit un terme à cette première expérimentation.

@ Pinterest

@ Pinterest

Statistiques diverses

– Vingt-cinquième (et dernière) victoire de Jim Clark en Afrique du Sud. Il battait alors le record de Juan-Manuel Fangio datant de 1957, avec 24 trophées. Il fixa aussi le record de poles à 33, score qui tint vingt-et-un ans.

– Outre McLaren, premières victoires de Matra (Pays-Bas), Jacky Ickx (France) et Jo Siffert (Grande-Bretagne), les premiers pour leurs pays respectifs (Belgique et Suisse). La victoire de Siffert fut aussi la dernière acquise sur une voiture privée, du team Rob Walker.

– Seuls podiums de Brian Redman (Espagne), Dick Attwood, Lucien Bianchi (Monaco), et Johnny Servoz-Gavin (Italie).

– Premières poles pour Chris Amon (Espagne), Jochen Rindt (France), Jacky Ickx (Allemagne) et Mario Andretti (Etats-Unis), ce dernier pour son premier Grand Prix ! Il était le premier à avoir réalisé cet exploit.

– Quatre minutes d’écart entre Jackie Stewart et Graham Hill au Grand Prix d’Allemagne. C’est encore aujourd’hui le plus gros écart jamais enregistré entre un vainqueur et son poursuivant en Formule 1.

– Le premier Grand Prix de la saison 1968 se disputa un 1er janvier. Ainsi, les essais qualificatifs se déroulèrent encore en 1967 !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article