Senna Sempre : Ayrton et le karting

Publié le par Masta

Senna Sempre : Ayrton et le karting

Le film Senna de 2011 a en fait mention : Senna a gardé beaucoup d'affection pour le karting, une discipline où, selon lui, "il n'était pas question de politique, ni d'argent, c'était de la vraie course". Un commentaire sans doute inspiré par ses quelques incartades avec le pouvoir sportif durant sa carrière. Quoiqu'il en soit, le Brésilien gardait beaucoup de bons souvenirs de cette période.

En même temps, tout avait bien commencé pour lui puisqu'il a remporté sa première course en karting. Du moins officiellement, puisque Senna a plus tard rapporté ce souvenir de sa première course, un souvenir étrangement prémonitoire sur certains points :

"J'avais à peu près 8 ans, et les autres avaient dans l'ensemble 15, 18 ou 20 ans. La grille de départ se décidait en tirant au sort des numéros, ils mettaient des papiers avec des numéros dans un casque. Comme j'étais le plus petit, j'ai tiré en premier. C'était le numéro 1. Je me suis retrouvé en pole pour ma première course", disait-il avec un large sourire. Une position qu'il allait souvent occuper.

"Comme j'étais le plus petit et léger, mon kart était le plus rapide. Grâce à mon poids et à ma position de départ je suis longtemps resté en tête. Personne ne pouvait me dépasser. Ils étaient plus rapides dans les virages mais pas dans les lignes droites. Puis trois tours avant la fin j'étais troisième et celui qui était quatrième m'a heurté en tentant de me doubler. J'ai quitté la piste et je n'ai donc pas fini la course mais c'était super". Une performance inachevée donc, comme sa carrière...

Si son don de la vitesse était inné, il n'en était pas autant de son talent sur piste humide.

"Ma première course de kart sous la pluie a été un désastre. Une vraie plaisanterie, je n'ai rien fait de bien. Tout le monde me doublait et je ne pouvais rien y faire, alors que j'étais plutôt bon sur le sec. J'ai donc compris ce jour-là que je ne savais pas piloter sur une piste mouillée. J'ai donc commencer à m'entraîner sous la pluie, et j'ai appris". Il s'est bien rattrapé par la suite.

Une fois vraiment lancé dans le karting, Milton Da Silva lui a fait connaître un ancien génie du Karting, Lucio Pascual Gascon, dit "Tché" qui allait préparer ses karts. Il essaiera de raisonner son protégé, de lui faire comprendre qu'il devait parfois être prudent et assurer. Peine perdue, pour Ayrton, c'était premier ou rien. Typique de l'esprit de compétition des pilotes automobiles. Tché a pu constater que, déjà à l'époque, Senna était "un perfectionniste, qui voulait que tout soit comme il le désirait, qui repérait des détails infimes et qui était obsédé par le meilleur temps au tour". Une approche qu'il a ensuite perpétrée en Formule 1.

Cela ne pouvait déboucher que sur des titres : champion de la catégorie junior à São Paulo en 1974, champion d'Afrique du Sud en 1977... Et puis est arrivé 1978, en septembre, où il a pris l'avion pour le Championnat du Monde de Karting, au Mans, lieu mythique du sport automobile pour ses fameuses 24 heures, bien que le Brésilien n'ait jamais pris part à celles-ci. Perfectionniste, Senna ne s'est pas adressé à l'usine IAME, qui dominait le karting mondial, mais à DAP, dirigé par les frères Parilla, Achille et Angelo, moins dispersés et donc capables de donner au Brésilien un matériel adapté.

Sixième pour sa première participation, il manque d'un rien la victoire à Estoril au Portugal l'année suivante, étant précédé par un équipier de la DAP, Peter Koene grâce à un meilleur classement dans les manches. Apprenant cela, Ayrton "se mit à pleurer comme jamais il n'avait vu pleurer quelqu'un de sa vie", selon Angelo Parilla. Premier ou rien...

Hélas, curieusement, le titre mondial de karting sera le seul titre qui lui échappera. Ce qui ne l'a pas empêché de faire sensation sur les pistes puisqu'en 1980, il finit une nouvelle fois deuxième à Nivelles, en Belgique, sous les yeux d'un jeune garçon. Lequel évoqua par la suite "ce mec […] complètement dingue et pourtant si impressionnant dans sa façon de conduire". Ignorant son nom, il regarda le lendemain dans le journal pour le trouver, et lut le nom d'Ayrton Senna. Ce garçon, c'était Michael Schumacher...

En 1981, le règlement avait changé en autorisant une cylindrée plus importante que les frères Parilla ne pouvait obtenir faute de financement. Senna dut se contenter de la 4ème place. Une dernière tentative l'année suivante ne fut pas plus concluante, mais elle relevait davantage de la sympathie pour les frères Parilla et de l'amour de Senna pour ces bolides que de la réelle volonté de l'emporter étant donné que sa carrière en sport automobile avait déjà pris son envol.

Le karting était un sport dur. Stefano Modena, qui a côtoyé le Brésilien en kart puis en Formule 1 concédait en se souvenant de ses bons moments avec lui que l'"on ne peut pas être loyal" en karting. Il est vrai que les coups de roues et autres frottements y sont légion, contrairement en Formule 1 où ce genre de manœuvres a plus de chance de déboucher sur un accident et/ou une pénalité. Mais la majorité des observateurs s'accordent à dire que Senna a été l'un des premiers à transposer ces combats dans la discipline reine, à instaurer une dimension plus agressive dans les dépassements, les luttes entre pilotes. En soi, Ayrton a prolongé les enseignements du karting.

Une agressivité renforcée par son casque. Sid Mosca, le peintre de la majorité des casques des pilotes brésiliens en Formule 1 (dont les champions du Monde Emerson Fittipaldi et Nelson Piquet) s'est attaché à réaliser un casque qui rendait visible l'attachement du pilote à son pays et a faire ressortir son agressivité. D'où le célèbre casque jaune à bandes vertes et bleues, qui terrorisera par la suite tous ceux qui auront l'occasion de le distinguer dans leurs rétroviseurs.

Cette agressivité va souvent lui être reprochée durant sa carrière. A cela, Senna a répondu sans ciller

"C'est le reflet d'une personnalité que j'ai développée tout au long de ma vie. Je l'ai toujours appliquée à la course automobile. Souvent ça marche bien, parfois ça me coûte une course ou une bonne place. Mais c'est une de mes caractéristiques, ma personnalité. C'est ce que je suis".

"On a souvent essayé d'exploiter mon caractère à mon désavantage. En vain. L'essentiel est d'être soi-même, de ne pas dévier de sa ligne, ne pas changer pour faire plaisir aux autres. Ce sont nos erreurs, basés sur notre personnalité, notre caractère, ou les obstacles qui jalonnent notre parcours qui nous permettent d'apprendre. Apprendre de ses erreurs et s'améliorer".

Ce qu'il fit.

A Paris-Bercy en 1993, Ayrton renoua avec ses premiers amours.

A Paris-Bercy en 1993, Ayrton renoua avec ses premiers amours.

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