La Lotus 88 : deux châssis, deux poids, deux mesures

Publié le par Masta

La Lotus 88 : deux châssis, deux poids, deux mesures

Colin Chapman est sans conteste l'un des plus grands ingénieurs de l'Histoire de la Formule 1. A l'origine d'innovations techniques majeures ou ayant tiré le meilleur parti des trouvailles de ses collaborateurs, le tout avec des monoplaces généralement magnifiques, l'Anglais suscitait autant l'admiration que la jalousie de ses pairs. Son génie allait définitivement agacer en 1981...

L'apparition des ailerons a contribué à améliorer l'adhérence des monoplaces : ceux-ci conféraient plus d'appui, permettant ainsi de plaquer la voiture au sol, à l'inverse d'un avion. Partant de là, Chapman comprit que ses Lotus gagneraient en efficacité si toute la monoplace fonctionnait comme une aile d'avion inversée. Afin de réguler le flux d'air, il imposa des "jupes" flexibles sous les pontons. L'effet de sol était né. Il l'inaugura avec la Lotus 78 en 1977 et le perfectionna avec la Lotus 79 en 1978 avec laquelle Mario Andretti et Ronnie Peterson (hélas décédé suite au carambolage de Monza) firent le doublé au championnat.

Ce fut cependant le dernier titre mondial d'une Lotus : les autres équipes, notamment Ligier puis Williams, exploitèrent mieux l'effet de sol que Chapman dès 1979. L'ingénieur était tellement convaincu de la réussite de son idée qu'il négligea les conséquences néfastes de celle-ci. Andretti raconta à Adrian Newey que l'appui généré était si important que le châssis se déformait sous l'effet des contraintes ! Après l'échec de la Lotus 80 qui poussait trop loin le concept, Chapman en tira des enseignements utiles au moment où la FISA, par souci de sécurité au vu des vitesses atteintes grâce au procédé, interdit les jupes et imposa une garde au sol de 6 cm.

Afin que le châssis ne se déforme plus face à l'appui enregistré, Colin choisit de séparer celui-ci en deux avec une partie mécanique et une autre aérodynamique, chacune avec une suspension différente ! D'un côté la monocoque avec boîte, moteur, train roulant, etc. et de l'autre la carrosserie avec les pontons latéraux. De ce fait, Chapman contournait le règlement plus habilement encore que la Brabham BT49 et son système hydropneumatique abaissant la monoplace en piste et la remontant à l'arrêt pour être conforme. Du génie.

Problème : ses rivaux n'en voulaient pas, malgré sa légalité. Ils se doutaient que leur rival avait encore pris un coup d'avance et ne souhaitaient pas dépenser des millions de dollars pour le rattraper comme avec l'effet de sol. Ils déposèrent réclamation pour disqualifier la Lotus 88, bien que les commissaires l'aient déclarée légale dans un premier temps à Long Beach. Le même scénario se répéta au Brésil et en Argentine avant que la monoplace ne soit interdite par le tribunal d'appel de la FIA, malgré une dernière tentative avortée en Angleterre. La Brabham, elle, ne fut pas inquiétée : le procédé était facile à installer et surtout Bernie Ecclestone avait acquis suffisamment d'influence auprès de ses pairs et de la Fédération (la guerre opposant celle-ci aux "garagistes" avait récemment pris fin) pour exclure la Lotus et autoriser sa Brabham, pourtant tout aussi contestable.

Chapman fut atterré par cette affaire et son communiqué lors du Grand Prix d'Argentine témoignait d'une certaine lassitude, indiquant que le génial ingénieur n'allait plus rester très longtemps en Formule 1.

"Nous avons été témoins de nombreux changements dans le milieu de la course et malheureusement, avons observé qu'une compétition loyale entre sportifs pouvait dégénérer en luttes pour le pouvoir et manœuvres politiques entre manipulateurs et affairistes tentant de retirer plus du sport qu'ils ne lui apportent".

Cela allait être le cas mais pas de la manière attendue. Colin Chapman allait décéder en fin d'année 1982 à la suite d'une crise cardiaque, non sans avoir pu lancer une dernière fois sa casquette en l'air lors du Grand Prix d'Autriche 1982, grâce à la victoire d'Elio de Angelis.

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