Grand Prix du Brésil : si tu vas à Rio...

Publié le par Masta

Les téléspectateurs lambda n’ont certainement pas eu ce réflexe. Mais les fans de Formule 1 n'ont pas manqué de remarquer cet été qu’à la place des installations olympiques de Rio, il se trouvait un circuit de Formule 1. Interlagos est certes devenu incontournable, presque mythique, mais ce ne serait pas faire honneur au tracé de Jacarepagua qui a pris sa suite dans les années 80.

Grand Prix du Brésil : si tu vas à Rio...

Interlagos posait problème quant à sa sécurité toute relative à une époque où on commençait à prendre en considération ce paramètre. Le circuit de Jacarepagua fut ainsi remis à neuf histoire de faire comprendre que l’on pouvait transférer le Grand Prix du Brésil du côté pauliste au côté carioca. Il conserva néanmoins deux paramètres majeurs d’Interlagos : le revêtement bosselé et le tour de circuit dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Cela et la chaleur combinés, il était évident que les pilotes n’allaient pas être moins malmenés ici.

La première édition eut lieu en 1978 et elle reste une épreuve importante d’un point de vue symbolique. Premièrement, l’équipe Arrows entama sa carrière longue de 291 Grands Prix, hélas sans la moindre victoire. Elle commença discrètement, sans sponsor, exception faite de la compagnie aérienne qui emmena l’équipe sur place ! Autre première pour un nom iconique de la Formule 1 : Michelin. Débutant quelques mois plus tôt avec Renault, le manufacturier français imposa la carcasse radiale avec Ferrari et Carlos Reutemann, dominateur. Enfin, la surprenante Copersucar du héros Emerson Fittipaldi finit deuxième à la surprise générale. Ceci restera la meilleure performance de l’équipe fondée par le frère du double champion du Monde.

La Formule 1 revint à Interlagos les deux millésimes suivants mais finit par s’implanter pour neuf années à Jacarepagua. Interlagos n’avait guère progressé entre temps. Cette fois, la "chuva" s’invita et chamboula la course au point qu’elle atteignit les deux heures réglementaires. Williams aurait dû célébrer son doublé, le quatrième d’affilée en comptant la fin de saison 1980. Le problème étant que Carlos Reutemann, N°2 par contrat, aurait dû laisser passer son leader Alan Jones, champion en titre. L’Argentin, pas moins doué que l’Australien, considérait qu’il pouvait remporter le championnat à son tour et ignora la consigne. Son équipier comme son équipe lui en tinrent rigueur et Reutemann perdit le titre final pour un point… Derrière le duo fâché, Riccardo Patrese signait une très belle troisième place pour Arrows et Marc Surer surprit son monde en décrochant le meilleur tour en course sur une poussive Ensign.

Ironie du sort, Reutemann acheva sa carrière sur ce même tracé douze mois après, non sans avoir accroché René Arnoux et Niki Lauda. Triste sortie pour l’un des meilleurs pilotes sans couronne. Devant, Nelson Piquet s’imposa devant les siens… pour mieux s’évanouir sur le podium. Fausse joie qui plus est pour le public puisque le Brésilien et son dauphin Keke Rosberg furent disqualifiés. Brabham et Williams étaient accusés de rouler sous le poids en se jouant du règlement permettant le plein de fluides après la course. Les teams britanniques multipliaient en effet les interprétations afin de contrer les turbos, de plus en plus performants. Une polémique qui déboucha sur le boycott du Grand Prix de Saint Marin un peu plus tard. En attendant, Alain Prost remportait son premier Grand Prix du Brésil avec Renault, et certainement pas le dernier. Michele Alboreto marquait lui ses premiers points et Manfred Winkelhock conquit les seuls de sa carrière.

Il fut aussi question de disqualification pour Rosberg en 1983 mais pour d’autres raisons. Désormais champion du Monde suite à une saison 1982 anarchique, le Finlandais finit deuxième avant d’être déclassé à cause de l’aide extérieure de ses mécaniciens. Ceux-ci l’avaient poussé pour redémarrer après un ravitaillement raté : de l’essence avait fui et Keke quitta illico presto son baquet avant que Patrick Head n’use de sa diplomatie habituelle pour le remettre dans le baquet ! Étonnamment, cette disqualification ne changea rien au reste du classement car personne ne récupéra la deuxième place. Cette fois, Piquet conserva sa victoire au volant de la superbe Brabham BT52 en dépit d’essais limités, Jacarepagua faisant office d’ouverture de saison à partir de cette année-là.

Grand Prix du Brésil : si tu vas à Rio...

Un match France-Brésil

Les deux années suivantes, Prost remporta deux nouvelles éditions, cette fois à la régulière et sur McLaren. S’il fut un peu aidé par les pannes de Lauda et Derek Warwick en 1984 et de Rosberg en 1985, personne ne pouvait contester le rythme de métronome du Professeur. La sauvegarde de l’essence devenait une priorité et le Français savait s’adapter au mieux. 1984 vit les débuts d’un certain Ayrton Senna ainsi que de son rival de F3 Britannique, Martin Brundle. L’Anglais finit même cinquième d’entrée de jeu alors que Tyrrell était la seule équipe (avec Arrows) motorisée par un moulin atmosphérique. Il s’avéra par la suite que l’équipe avait pris un peu trop de libertés avec les règles afin de compenser ce handicap. Une tricherie qui déboucha sur sa disqualification et son exclusion pour toute la saison. Tyrrell revint en 1985, comprenant qu’il fallait un turbo sinon rien.

Une édition qui vit les débuts de l’emblématique équipe Minardi ainsi que la dernière course de René Arnoux pour Ferrari puisqu’il fut renvoyé peu après ! Encore aujourd’hui, difficile de comprendre ce qui incita la Scuderia à agir de la sorte... Piquet doubla la mise en 1986, non sans que son nouvel équipier Nigel Mansell soit éliminé dès le premier tour après un contact avec Senna, plus ferme que la moyenne dans le roue dans roue. La course vit les débuts de Benetton, ayant racheté Toleman après l’avoir sponsorisé l’année précédente. Red Bull en prendra bonne note bien plus tard… L’équipe marqua même son premier point à Rio avec la sixième place de Gerhard Berger, le même qui allait offrir au team multicolore ses premier et dernier succès.


Prost reprit les devants en 1987 après avoir estomaqué son équipe. Aux abonnés absents durant les essais faute de mise au point de la nouvelle monoplace, il la configura comme les modèles précédents en se rappelant au détail près de tous ses réglages des années passées. Pour changer, le Français économisa mieux ses pneus et sa consommation que les autres, notamment les Williams, pourtant supérieures. Comme si cela ne suffisait pas, il domina l’édition 1988 avec une McLaren-Honda MP4/4 souveraine. Senna, souvent malchanceux à domicile, cala sur la grille à cause d’un souci de boîte et fut ensuite disqualifié pour un changement de voiture effectué au delà du délai réglementaire.

Rio acheva sa carrière en Formule 1 en 1989, un autre Grand Prix symbolique. Les turbos étaient bannis et l’ère atmosphérique s’ouvrait alors avec un panachage entre V8, V10 et V12. Senna accroché d’entrée de jeu par la Ferrari de Berger et Prost privé assez vite d’embrayage, c’est Nigel Mansell qui remporta la course. Un petit miracle sachant qu’il pilotait une monoplace disposant d’une boîte de vitesses semi-automatique à la fiabilité toute relative, et c’est un euphémisme. Mansell restant Mansell, il réussit à se couper les mains avec son trophée…  Mauricio Gugelmin monta sur le seul podium de sa carrière avec la March Leyton House d’Adrian Newey et Johnny Herbert marqua trois points pour sa première course. Un exploit car il ne pouvait même pas sortir de sa voiture par ses propres moyens, souffrant encore d’un grave accident en F3000 l’année précédente.

Interlagos retrouva sa place en 1990. Rio accueillit le championnat du monde de Moto dans les années 90 et 2000 avant de tomber en désuétude et d’être démoli en 2012 pour laisser place aux infrastructures consacrées aux Jeux Olympiques. D’ailleurs, verra t-on un jour le sport automobile représenté dans la compétition ?

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