Premières courses : bienvenue au pays !

Publié le par Masta

Lorsqu'un nouveau pays débarque au calendrier, les fans sont généralement divisés entre l'impatience et le scepticisme face à l'inconnu. Si certains paramètres peuvent guider leur jugement avant les premiers tours de roues, il faut attendre le baisser du drapeau à damier le dimanche en fin d'après-midi pour émettre un premier avis plus constructif. Si l’Azerbaïdjan n'a pas convaincu grand monde, comment s'en sont sortis les autres pays pour leur premier Grand Prix ?

Premières courses : bienvenue au pays !

Partis pour durer

En 1950, pour les débuts du championnat, six pays eurent droit à leur course d’entrée de jeu, dont quatre qui figurent toujours au calendrier aujourd’hui et sur les mêmes circuits, quoique modernisés. En tant que première course officielle de l’histoire de la F1, le Grand Prix d’Angleterre ne pouvait qu’être mémorable rien que pour son statut. Même le roi George VI se déplaça pour assister à l’événement, ce alors que la Formule 1 n’avait en rien rayonnement d’aujourd’hui. En tout cas, la course fit comprendre qui allait dominer le championnat : les Alfa Romeo avec les « trois F », Farina, Fagioli et Fangio. Le dernier nommé ne put finir la course, laissant la victoire au premier. Si Silverstone alterna quelques temps avec Aintree et Brands Hatch, l’ancien aérodrome militaire est aujourd’hui bien installé dans l’inconscient collectif.

Fangio prit sa revanche à Monaco où survint (déjà) le premier carambolage de l’histoire. Voulant rattraper à tout prix son mauvais départ, Farina partit en travers au Bureau de Tabac et fut percuté par son équipier Fagioli. Derrière, ce fut l’empilement général, avec un total de neuf voitures éliminées ! Fort heureusement, personne ne fut grièvement blessé et en dépit du réservoir fendu de l’Alfa de Farina, il n’y eut aucun incendie. Un incident marquant qui amène à une anecdote révélatrice sur Fangio, à une époque dépourvue de drapeau jaune, de radio et de Safety Car : au tour suivant, alors que l’Argentin allait rejoindre le Bureau de Tabac, il prit le temps de remarquer que le public ne prêtait aucune attention à son Alfa en dépit de son statut de leader. Comprenant que quelque chose se tramait au prochain tournant, il ralentit en conséquence, réussit à se frayer un chemin sans toucher qui que ce soit pour gagner la course, devant Alberto Ascari et le vétéran local Louis Chiron pour son dernier hourra, avant de devenir le directeur de course en Principauté. En dépit de quatre années consécutives d’absence, s’il y a bien un Grand Prix incontournable encore aujourd’hui, c’est Monaco.

Fangio fut également le premier vainqueur du Grand Prix de France à Reims et de Belgique à Spa Francorchamps. L’un fut condamné par sa nature (utilisant des routes publiques dépourvues de toute sécurité), l’autre connut le chemin que l’on sait jusqu’à devenir le plus beau circuit du Monde aux yeux de beaucoup, ce même modernisé. Cela étant, ces efforts furent insuffisant pour que Fangio remporte le titre mondial, qui se décida à Monza. Pour le coup, le Maestro n’eut pas beaucoup de chance puisque son Alfa le lâcha prématurément. Il reprit la monoplace de Piero Taruffi, puisque le règlement autorisait ce « joker » à l’époque et entreprit de rattraper son rival Farina… pour mieux abandonner à nouveau ! Guiseppe « Nino » Farina devint ainsi à domicile le premier champion du Monde de F1 alors qu’il était le moins bien placé des Trois F avant l’épreuve. Depuis, Monza est devenu le circuit ayant fréquenté le plus souvent le calendrier avec une seule absence en 1980.

Premières courses : bienvenue au pays !

Commençons par la fin

Comme le calendrier était encore léger, il était plus facile pour une nouvelle épreuve d’obtenir la dernière place et bénéficier d’une meilleure exposition en conséquence. Pedralbes est le moins reconnu des circuits ayant servi de cadre pour le Grand Prix d’Espagne mais il décida de l’issue du championnat 1951 entre Fangio, Ascari et Jose-Froilan Gonzalez. Ferrari avait profité du sur-place technique d’Alfa Roméo pour mieux rivaliser avec son rival transalpin, si bien qu’ils enchaînèrent trois victoires de suite à partir de Silverstone et Farina fut exclu de la lutte pour conserver sa couronne. Fangio restait leader du championnat mais Ascari signa la pole. Manque de chance, Ferrari opta pour ses pneus étroits car ceux-ci leur avaient réussi à Monza tandis qu’Alfa privilégia l’épaisseur et ce choix se retourna contre la Scuderia. Ascari comme Gonzalez multiplièrent les changements de pneumatique à une époque où ils n’étaient guère fréquents, laissant la voie libre à Fangio. Comprenant que leur Alfetta ne pouvait plus suffisamment évoluer, Alfa Roméo se retira après coup. Pedralbès revint en 1954 à la même place mais se fit vite oublier après coup, pour les mêmes raisons que Reims.

Huit ans après, ce sont les États-Unis qui récupérèrent cette position si enviable pour la première vraie course de l’autre côté de l’Atlantique. Si les 500 Miles d’Indianapolis comptaient pour le Championnat du Monde, presque aucun concurrent régulier ne s’y essaya (Ascari fit un essai en 1952), rendant sa présence fortuite. Sebring ne fut qu’un one shot mais il était un premier candidat crédible grâce à ses courses d’Endurance qui sont encore d’actualité. Son final marqua aussi l’Histoire grâce, là encore, à un final à trois incluant Jack Brabham, Stirling Moss et Tony Brooks, les deux premiers sur Cooper, le troisième sur Ferrari. La partie devait être facile pour « Black Jack » avec l’abandon précoce de Moss et le retard accumulé par Brooks suite à un accrochage avec son équipier Wolfgang Von Trips, sans parler d’une petite avance au championnat. C’était sans compter sur la panne d’essence à une centaine de mètres de l’arrivée. Brabham choisit de pousser sa Cooper-Climax jusqu’au bout et tomba d’épuisement une fois la ligne d’arrivée franchie en quatrième place. C’était suffisant pour être titré et faire triompher la technologie du moteur arrière. Une révolution prenait place. En attendant, Bruce McLaren devint à 22 ans le plus jeune vainqueur de Grand Prix, un record qui dura longtemps. Les USA eux, changèrent souvent de localité avant de s’installer à Austin.

Enfin, si l’Afrique du Sud couronna Graham Hill au détriment de Jim Clark en 1962, cela n’est rien en comparaison de l’impact laissé par le Grand Prix du Japon 1976. Un des climax les plus iconiques du sport, qui plus est médiatisé grâce au long-métrage Rush retraçant la rivalité entre Niki Lauda et James Hunt. Le premier revint courageusement après son accident du Nurburgring mais choisit de sauver sa vie au détriment du titre mondial après quelques tours sous la pluie torrentielle de Fuji. Il faut dire que le Grand Prix aurait été retardé ou décalé dans d’autres conditions mais la F1 commençait tout juste à attirer les télévisions et il fallait assurer le show. Ce que fit Hunt, longtemps leader mais retardé par une crevaison en fin de parcours. Ne sachant plus à quelle position il figurait dans sa remontée, l’excentrique Britannique imagina avoir perdu le championnat en finissant troisième et manqua de coller une droite à son patron Teddy Mayer ! Sauf que sa troisième place lui assurait bien le titre mondial pour un point. A côté, Mario Andretti remporta la course pour Lotus et Masahiro Hasemi fut crédité d’un meilleur tour qui n’en était probablement pas un puisqu’il perdit trois positions à cette occasion. Une incongruité qui ne fut jamais corrigée. Fuji conclut également 1977 et s’offrit un retour en 2008-2009 mais c’est bien Suzuka qui s’imposa comme le circuit japonais de référence.

Premières courses : bienvenue au pays !

Coup d’essai, coup de maître ?

Ironiquement, Adélaïde fut le circuit idéal pour finir en beauté une saison mais il ne décida du titre mondial qu’en 1986 et 1994, bien qu’il s’agit de deux courses marquantes. Quand le circuit urbain permit à l’Australie d’accueillir son premier Grand Prix en 1985, il charma immédiatement le microcosme de la F1 tant il était plus soigné et agréable que les pâles tracés américains de Detroit ou Dallas. Deux lieux où Keke Rosberg s’était imposé, prouvant son goût certain pour les courses disputées près des rails. Rien de surprenant donc de voir le moustachu l’emporter, non sans une chaude lutte face à un Ayrton Senna des plus acharnés et encore brouillon, semant un aileron dans l’histoire. Niki Lauda était aussi bien parti pour finir sa carrière avec les honneurs mais il fut l’un des premiers à comprendre que les freins étaient poussés jusqu’à la limite à Adélaïde. Comme souvent, l’hécatombe fut de mise sous la forte chaleur océanique, si bien que les deux Ligier accompagnèrent Rosberg sur le podium. Une occasion presque gâchée lorsque le rookie Philippe Streiff percuta le vétéran Jacques Laffite pour mieux finir sur trois roues valides ! Mais l’essentiel était là : Adélaïde avait passé l’examen avec mention.

On ne peut pas en dire autant du « circuit » de Zeltweg, tracé improvisé et provisoire s’il en est. Il servait surtout à sonder l’intérêt de l’Autriche pour la F1, d’autant que le futur champion Jochen Rindt débutait en même temps. Certes, l’essai fut concluant dans le sens que l’Osterreichring prit place à partir de 1970 et perdure aujourd’hui en tant que Red Bull Ring. Mais en 1964, ce fut surtout une course à élimination à cause d’un revêtement tout sauf préparé à accueillir des F1. Les suspensions cédèrent les unes après les autres chez les favoris et Zeltweg eut pour seul autre mérite de consacrer le second couteau Lorenzo Bandini pour la seule et unique fois de sa carrière devant un autre N°2 méritant à une seule victoire, Richie Ginther.

Enfin, les premières éditions du Grand Prix de Malaisie et de Singapour ont davantage marqué les esprits pour ses aspects extra-sportifs. Dans le premier cas, Ferrari provoqua la controverse avec ses déflecteurs latéraux non-réglementaires puis déclarés légaux grâce à un vice de procédure lié à la manière de mesurer l’appendice. Les détracteurs de la Scuderia ou de la FIA ne manqueront pas de remarquer que la disqualification des deux pilotes Ferrari offrait le titre mondial sur un plateau à Mika Hakkinen et qu’un reclassement permettait une finale bien plus intéressante à Suzuka. En attendant, Michael Schumacher revenait à la compétition après sa blessure contractée à Silverstone et souffla son monde, aussi bien Hakkinen, qui ne réussit jamais à faire sauter le verrou, que son équipier Irvine à qui Michael offrit la victoire à deux reprises durant l’épreuve. «Michael est non seulement le meilleur N°1 mais aussi le meilleur N°2 » dira le Nord-Irlandais. Ce ne sera pas suffisant pour battre Hakkinen au Japon cependant.

Pour Singapour, tout le monde gardera à l’esprit le crash volontaire de Nelson Piquet Junior, qui provoqua l’entrée de la Safety Car alors que son équipier Fernando Alonso était le seul à s’être arrêté en partant du fond de grille. A ce moment, il était imposé d’attendre que toutes les voitures soient regroupées pour ouvrir la pitlane et autoriser le ravitaillement, d’où l’intérêt du stratagème manigancé par Renault. La pointe de vitesse de son pilote N°1 fit le reste mais cette victoire restera à jamais marquée sous le sceau de la tricherie. Au grand dam de Nico Rosberg, deuxième malgré une pénalité pour avoir ravitaillé avant l’ouverture de la ligne des stands, ce alors qu’il manquait la panne d’essence. Du côté des favoris, Lewis Hamilton sauvait la dernière marche du podium tandis que Felipe Massa perdit de précieux points en arrachant le tuyau d’essence de Ferrari. Fort heureusement, ni Sepang ni Marina Bay n’ont souffert de ces polémiques et en dépit de leur modernité, ils restent relativement appréciés par le public.

Reste à savoir si Bakou parviendra à légitimer sa place au calendrier ou s'il rejoindra la liste des circuits éphémères.

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