Deuxième victoire : l'école de la patience (2/2)

Publié le par Masta

Deuxième victoire : l'école de la patience (2/2)

D'autres « seconds couteaux » méritants passèrent par l'école de la patience. Heinz-Harald Frentzen ne se plaisait pas chez Williams et ternit sa réputation en conséquence en 1997, en dépit de son premier succès à Imola. 1998 n'arrangea rien puisque l'équipe digéra extrêmement mal le nouveau règlement technique. Sa résurrection intervint l'année suivante chez Jordan, lorsque l'équipe atteint son paroxysme et que les top teams multiplièrent les occasions gâchées. Deux ans après avoir battu Schumacher à la régulière devant les tifosi, il frôla la panne sèche en France pour devancer Hakkinen et Barrichello. Ce dernier peut également vanter ses mérites quant à son abnégation puisqu'il détint longtemps le record du plus grand nombre de courses disputées avant la première victoire (124, battu depuis par Webber avec 130). C'est oublier qu'il patienta près de 33 mois et couvrit 32 nouveaux Grands Prix avant de rajouter une autre victoire à son palmarès, au Nurburgring en 2002. Il est vrai que si Ferrari avait un minimum d'esprit sportif, l'attente aurait été un poil moins longue...

Recordman de Grands Prix disputés à l'heure actuelle, il battit Riccardo Patrese, autre pilote qui ne connaît que trop bien la définition du verbe « attendre ». Il détient encore aujourd'hui le record de la plus longue attente entre deux victoires (6ans et demi et près de 100 courses !) alors qu'il dut déjà poireauter une année complète après son rocambolesque succès de Monaco 1982. Sa Brabham-BMW parvenait pourtant à maturité mais il concentra tous les soucis possibles sur sa personne et il fallut que son équipier Nelson Piquet fasse baisser sa pression de suralimentation pour mettre fin à son calvaire lors du final de Kyalami 1983. Dans le cas de David Coulthard qui fit chou blanc en 1996, il fallait attendre la mise au point de l'association McLaren-Mercedes. Mercedes qui finit par s'engager en tant qu'équipe à part entière et qui toucha au but grâce à Nico Rosberg à Shanghai en 2012, avant une nouvelle année de patience jusqu'à briller à la maison, à Monaco. Même cas de figure pour Jacques Laffite ou Didier Pironi : une première victoire pour Ligier (1977 et 1980), une année de transition sans succès (1978 et 1981 avec Ferrari) et une troisième avec un matériel opérationnel (1979 et 1982).

Deuxième victoire : l'école de la patience (2/2)

Dos à deux...

Les pilotes à deux victoires sont souvent oubliés car les « one hit wonder » captent davantage l'attention de par leur caractère unique, d'autant que des noms bien connus du public figurent dans la liste. Ceux qui ont pu doubler la mise se retrouvent rejetés dans l'ombre alors qu'ils méritent parfaitement notre attention : ce doublé prouve qu'il ne s'agissait pas (que) d'un coup de chance.

En parlant de chance, si Jean Alesi a longtemps traîné une réputation de malchanceux, Jean-Pierre Jabouille peut également témoigner. Le « grand blond » doit surtout sa renommée à l'aventure turbo de Renault dont il assura la mise au point mais elle reste inférieure à celle de ses compatriotes de l'époque. S'il n'était pas aussi flamboyant en piste que les Arnoux, Depailler ou Pironi, ceux-ci pouvaient largement envier leur expertise, au point qu'Alan Jones, pourtant très peu francophile, rendit hommage à Jean-Pierre en ces termes « Ce type en savait plus sur la course automobile que n'importe quel autre pilote que j'ai pu côtoyer ! ». Jones fut d'ailleurs le meilleur témoin de la deuxième victoire de Jabouille en Autriche 1980, en dépit de soucis de pneus sur la fin. Cela intervenait un an après la victoire historique de Dijon, hélas éclipsée par le plus beau duel de l'histoire de ce sport. Entre temps, si Arnoux remporta coup sur coup Interlagos et Kyalami, c'est oublier que Jabouille menait avant que la mécanique ne le lâche...

Pour rester dans le giron français, Maurice Trintignant peut se targuer de cette performance : s'il ne remporta que deux succès, ils eurent tous deux pour cadre la principauté de Monaco. Premier tricolore vainqueur de Grands Prix en 1955 sur Ferrari, il se mit ensuite à la diète de victoires pendant trois ans et pour cause : la Vanwall (futur champion constructeur 1958) était aussi fiable qu'une capote trouée, la Bugatti fut une expérience sans suite et sa participation en 1957 avec Ferrari fut occasionnelle. Passant chez Cooper sous le joug de l'équipe privée de Rob Walker, il imposa la technologie du moteur arrière dans les rues monégasques, prouvant que l'avenir était en marche.

Un avenir fait de monoplaces légères qui n'auraient jamais pu accueillir Jose Froilan Gonzalez, qui remporta les 24 Heures du Mans avec Trintignant en 1954. L'excès pondéral de l'Argentin le pénalisait sur les circuits lents mais il n'avait rien à envier aux meilleurs sur les pistes rapides, Fangio compris. A l'époque où Silverstone n'était pas aussi tortueux qu'aujourd'hui, cela ne pouvait que l'avantager. Pour rappel, Ferrari lui doit à jamais sa première victoire en 1951 et fut l'un des rares à faire trébucher les Mercedes, lui aussi trois ans après son premier bouquet. Heureusement, les saisons étaient assez courtes à l'époque, si bien que leur intervalle se limite à une vingtaine de Grands Prix.

Au moins, ceux-ci eurent l'occasion de vivre jusqu'aux années 2000 en dépit de l'absence totale de sécurité à l'époque. Pedro Rodriguez, Jo Siffert et Elio de Angelis ne purent en dire autant. Les deux premiers connurent plus de réussite en Endurance à l'époque où cumuler les deux compétitions était monnaie courante. En F1, ils payèrent les pots cassés de monoplaces trop fragiles ou pas assez rapides mais ils offrirent tous deux les derniers moments de gloire de grandes équipes. Rodriguez récompensa Cooper pour l'ouverture de la saison 1967 et Siffert offrit son dernier trophée à Rob Walker l'année suivante à Brands Hatch. Puis vinrent trois ans de disette (37 courses chacun) pour finalement bénéficier des ultimes réveils de BRM : Spa en 1970 pour le premier, Osterreichring 1971 pour le second (Beltoise finissant le travail en 1972 à Monaco). Sauf qu'au moment de célébrer la fin de l'année, les deux avaient déjà disparus, respectivement en Endurance et lors d'une course hors-championnat de F1. De Angelis, lui, resta fidèle à Lotus durant la transition suivant la mort de Colin Chapman. Sa régularité fut récompensée début 1985 alors que sa première victoire datait du dernier tiers de la saison 1982, faisant de lui le dernier à gagner pour Colin et le premier à triompher après son décès. Puis vinrent les essais privés du Paul Ricard 1986...

C'est un fait, la Formule 1 n'a jamais eu pour vocation d'être juste et logique.

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